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histoire des canadiens-français

À Paris, le gouverneur de Montréal avait obtenu de madame de Bullion de forts secours en argent. Il s’occupa d’enrôler des hommes, jeunes, robustes, de divers métiers et de bonnes mœurs, pour augmenter sa colonie. M. de la Dauversière et son frère, M. Le Royer de Boistaillé, juge à la Flèche, lui aidèrent avec succès dans ce travail. À la Flèche, au printemps de 1653, on passa l’engagement de cent vingt hommes, et ailleurs trente-quatre autres. Les contrats étaient faits pour cinq années. L’Anjou, le Maine et le Mans contribuaient pour les deux tiers, ou une centaine d’hommes dans cette recrue. Venaient ensuite Paris et ses environs, une douzaine ; la Normandie, une dizaine ; les autres provinces ne comptaient que pour un chiffre insignifiant. D’après les pièces visitées à la Flèche par M. l’abbé Faillon, il y avait dans cette troupe : trois chirurgiens, trois meuniers, deux boulangers, un brasseur de bière, un tonnelier, un chaudronnier, un pâtissier, quatre tisserands, un tailleur d’habits, un chapelier, trois cordonniers, un sabotier, un coutelier, deux armuriers, trois maçons, un tailleur de pierre, quatre couvreurs, neuf charpentiers, deux menuisiers, un taillandier, un cloutier, un serrurier, un paveur, deux jardiniers, soixante défricheurs ou bêcheurs dont plusieurs étaient scieurs de long, un maréchal.

La sœur Bourgeois écrit qu’il ne débarqua à Montréal que cent huit hommes de ce contingent ; M. de Belmont dit cent cinq. Notre tableau (pages 48-51) constate que cent un se retrouvent à Montréal dans les années qui suivirent. Les cinquante-trois manquant étaient ou restés en France ou arrêtés à Québec, ou, s’ils se sont rendus à Montréal, il n’existe plus d’acte constatant leur présence en ce lieu.

M. de Maisonneuve avait bien de la besogne sur les bras. Il comprenait que le salut ou la perte de la colonie entière dépendait du résultat de ses démarches, et, en homme de cœur, il voulait faire face à la situation. C’est à Paris, à la Flèche et en Champagne qu’il trouva les ressources dont le Canada avait besoin. Étant allé saluer ses parents, à Troyes, et surtout sa sœur, Louise de Chomedey, sœur de Sainte-Marie, supérieure de la congrégation de Notre-Dame, il rencontra mademoiselle Marguerite Bourgeois, native de Langres, alors âgée de trente-trois ans, qui désirait, depuis plusieurs années, se vouer aux missions de la Nouvelle-France. Sans hésiter davantage, cette courageuse personne partit pour Saint-Nazaire, près de Nantes, où devait se faire l’embarquement. C’était au mois de juin 1653.

M. de la Dauversière, procureur de la compagnie de Montréal, avait envoyé à Saint-Nazaire, entre autres gens choisis, Marie-Marthe Pinson, de la ville de la Fèche, qui, l’année suivante, épousa Jean Millot ; Marie du Mans ; une autre femme avec son mari et quelques jeunes filles. Sous le rapport moral, cette troupe, tant hommes que femmes, était irréprochable ; on en vit la preuve dans la conduite d’un chacun une fois rendu à Montréal.

Le Saint-Nicolas-de-Nantes, capitaine le Besson, mit à la voile le 20 juin, avec plus de cent colons ; mais c’était un mauvais navire qui faisait eau de toutes parts, et il fallut retourner à terre. La traversée définitive ne commença que le 20 juillet. Comme on arrivait en vue de Québec, le 22 septembre, un accident faillit faire couler le bâtiment.

Toucher le port n’était pas la fin des contretemps. M. de Lauson voulut contester le