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Partir de France sur la foi d’un engagement solennel, et se trouver au milieu des forêts du Nouveau-Monde abandonné à la fureur des sauvages, uniquement parce que les entrepreneurs de la colonie ont manqué de parole, est un cas révoltant. Dans ces circonstances, il arrive ordinairement deux choses : une partie des colons s’échappent et cherchent fortune ailleurs ; les autres à l’instar des soldats qui ne veulent pas être battus, résistent à la situation et finissent par trouver en eux-mêmes assez de valeur pour se maintenir sans le secours de leurs prétendus protecteurs. Durant un siècle et demi, ce fut toujours la même chose. Si les Canadiens — ceux qui sont véritablement dignes de ce nom — n’eussent pas compris que, à un moment donné, la France se retirerait d’eux et les livrerait à leurs seules ressources, notre nationalité n’existerait pas ; car nous ne nous serions jamais préparés à la résistance.

Au printemps de 1655, quatre travailleurs, employés par M. Denis, tombèrent sous les coups des Iroquois alors qu’ils vaquaient à leurs occupations dans les champs, près de Québec. La terreur gagna les campagnes environnantes. Ce n’était que le prélude de malheurs plus grands.

Nous devons une mention à la famille Denis, qui figure avec éclat dans nos annales. Simon Denis, sieur de Vitré, seigneur du lieu appelé la Trinité, né (1599) à Saint-Vincent de Tours, avait épousé (1628) Marie-Jeanne Dubreuil, laquelle mourut en France (1639), lui laissant deux fils : Pierre et Charles. Vers 1643, il se maria en secondes noces avec une veuve du nom de Françoise du Tartre, qui lui donna plusieurs enfants. En 1650 (10 août, greffe d’Audouard), à Québec, les jésuites lui concédèrent un terrain. C’était à l’époque où les troubles de l’Acadie amenaient plusieurs Français de cette province au Canada ; aussi voyons-nous que, en 1651, les « messieurs Denys, qui avaient été pris prisonniers par madame Daunay, furent renvoyés » à Québec dans une frégate de cette ville capturée quelques semaines auparavant par la femme de l’ancien gouverneur de l’Acadie. L’année suivante, son ami, Amador de Latour, ayant épousé madame d’Aulnay, on voit que Simon Denis partit de Québec, au mois de mai, dans le dessein « d’aller trouver M. de la Tour, afin de se rétablir vers Miscou. » Sa famille resta à Québec ; en 1657, le 28 octobre, M. l’abbé de Queylus « jetta l’excommunication, à la grande messe, après avoir publié le monitoire par trois dimanches, contre ceux qui auraient brûlé la maison de M. Denis. » Deux ans plus tard, le Journal dit : « 4 septembre, le moulin de M. Denis sur le cap aux Diamants commença à moudre. » La citadelle de Québec, construite il y a une soixantaine d’années, occupe la terre de Denis ; les descendants de ce colon ne cessent de réclamer une indemnité du gouvernement.

Pierre Denis sieur de la Ronde, fils de Simon, né à Tours en 1630, prit des terrains à Notre-Dame-des-Anges, près Québec. Il épousa (1655) Catherine, fille de Jacques Leneuf de la Poterie, et fonda une nombreuse famille. En 1690, il occupait un haut rang dans les troupes et demeurait à Beauport. Nous parlerons de ses fils.

Charles Denis sieur de Vitré et de la Trinité, membre du conseil souverain de la Nouvelle-France, fils de Simon, né à Tours (1632), épousa à Québec (1668) Catherine de Costelneau, native de Paris. Il a laissé plusieurs enfants.