habitation… Les dépenses seront excessives ; mais étant les affaires de Dieu plus que les nôtres, sa providence y pourvoira. » La colonie — une poignée de cultivateurs, pauvres et sans aide — payait sa large part de ces courses. Les dépenses seront excessives, dit la Relation. Et ailleurs, on ajoute qu’il est pénible de voir les Habitants si maltraités par les Iroquois, vu que l’on n’a pas les moyens d’entretenir des troupes… mais que, dans cette extrémité, on a la consolation que chacun pense à son salut… par la crainte continuelle d’être tué ou brûlé par les sauvages… C’est se moquer du monde !
Si l’histoire que nous racontons n’était remplie de scènes attristantes, il serait facile d’égayer le lecteur en citant certains passages des Relations écrits avec une telle naïveté que l’on s’y perd. Plus les Iroquois trompent les Français, les Hurons et les Algonquins, plus les auteurs de ces lettres ferment les yeux pour ne pas voir leurs duperies. Lorsque les chefs des cinq nations prennent la peine de débiter des discours dans lesquels la mauvaise foi perce à chaque phrase, ces morceaux littéraires sont consignés comme l’expression de tout ce qu’il y a de plus amical ; on croirait lire les contes en l’air de Chateaubriand. De 1645 à 1656, les Iroquois n’ont fait que prononcer des allocutions… et se servir de la hache — mais voyez si les Relations y comprennent quelque chose !
La paix avait été consentie par les Iroquois, en 1645, parce que les circonstances forçaient ces barbares à ajourner leurs projets de destruction. En 1646, la guerre recommençait. Une fois les Hurons anéantis et les Algonquins dispersés, ce fut au tour des Habitants à éprouver les conséquences de cette lamentable situation. Après les combats livrés autour des Trois-Rivières, l’été de 1653, les Iroquois crurent prudent de songer à la retraite. Une nouvelle paix fut conclue. Les massacres ne cessèrent pas, cependant. L’année 1654, la guerre régnait dans toute son horreur. En 1655 de même. Et pas de troupes ! Le père Le Mercier écrivait : « Depuis la destruction du pays des Hurons, les Iroquois ont toujours avancé leurs conquêtes et se sont rendus si redoutables en ce pays que tout plie sous leurs armes. Ils ont encore la force en main, et il ne tenait qu’à eux de massacrer le reste de la colonie française, ne trouvant presque point de résistance, ni du côté des Français ni du côté des sauvages nos confédérés. » C’est à peine si les Français de tout rang, âge et sexe dépassaient un millier d’âmes — soit deux cents hommes en état de porter les armes — et ces hommes n’étaient pas ici pour la guerre. Montréal, placé à la frontière, intimidait seul les maraudeurs ; aussi voyons-nous que, l’automne de 1655, on convint en ce lieu d’une suspension d’hostilités, en retour de sept ou huit chefs iroquois capturés que M. de Maisonneuve consentit à rendre. Par malheur, les Hurons de l’île d’Orléans avaient donné des espérances aux Iroquois, leurs frères par la langue, par le sang et par les coutumes, et la belle saison de 1656 était à peine commencée que les bandes de massacreurs reparurent sur les bords du fleuve.
De 1652 à 1656, une quinzaine de colons français s’étaient établis dans l’île d’Orléans :
1652. Gabriel Gosselin, de Normandie, qui épousa (1653) Françoise Lelièvre, de la Lor-