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se joindre aux vainqueurs. Il n’en est pas moins vrai que la cause iroquoise gagnait du terrain à l’île d’Orléans, par suite de l’audace des entreprises de cette nation et du peu de ressources que possédait la colonie française. Résolus de frapper un coup décisif, les maraudeurs visaient surtout à intimider les Hurons — et il faut avouer qu’ils avaient carte blanche pour cela. De temps en temps, la décharge d’un fusil abattait une personne à l’orée d’un bois ; un canot était poursuivi et coulé par des gens placés en embuscade ; le feu prenait aux alentours des cabanes de sauvages : le plan d’action des Iroquois était complet.

La situation devint tellement critique que le sentiment de la défense n’exista plus. C’est alors que les Iroquois firent irruption dans l’île d’Orléans, massacrèrent ceux qui leur résistèrent, et repartirent en bel ordre, emmenant une foule de prisonniers. Les soixante et quinze ou quatre-vingts Canadiens et Français qui demeuraient à Québec eurent le loisir de se porter au bord de l’eau et de voir défiler les ennemis brandissant les chevelures qu’ils venaient de lever, et faisant crier de douleur les prisonniers en leur arrachant les ongles et leur brûlant les chairs avec des allumettes à leur mode.

Les étapes de la conversion des sauvages sont faciles à suivre : du côté des Algonquins, les travaux des missionnaires n’ont presque rien produit, sauf un commencement de village au Cap-de-la-Madeleine, qui n’a pas duré quinze ans, et la mission de Sillery, dont l’histoire est un peu plus intéressante et voilà tout, car elle a fini par s’éteindre du vivant de ceux qui l’avaient fondée.

Chez les Hurons, vingt-cinq années de prédication (1625-1650) ont eu plus de retentissement et aussi plus de succès ; mais le tout aboutit aux catastrophes que les lecteurs connaissent : après 1650, il ne restait que le petit groupe réfugié à l’île d’Orléans et qui fut dispersé (1656) par les Iroquois. Les faibles débris de la nation huronne, obligés, comme les Algonquins, de se tenir sous le canon des forts français, adoptèrent le voisinage de Québec. Les Algonquins, se conformant à un reste de leurs anciennes habitudes, s’arrêtèrent auprès des Trois-Rivières. Dans l’un et dans l’autre cas, ceux de ces sauvages qui demeurèrent chrétiens étaient réduits à une simple bande de chasseurs.

Avec l’année 1656 commencent les missions du pays des Iroquois. Bien des comparaisons pourraient être faites entre les travaux des missionnaires chez les Hurons et chez les Iroquois, puisqu’ils se terminèrent de part et d’autre par des désastres et l’installation de quelques familles dans les environs de nos villes.

Nous n’avons pas converti les sauvages ; ceux-ci ne sont venus à nous qu’à l’état de fugitifs. La gloire des missionnaires n’en est pas moins grande, cependant ; car s’ils ont tenté l’impossible, s’ils ont versé leur sang avec une générosité qui rappelle les premiers âges du christianisme, c’était dans l’espérance de répandre les lumières de l’Évangile au milieu de peuples privés de la connaissance du vrai Dieu.

Avant de passer plus loin, notons que le gouverneur-général abandonna le pays, l’automne de 1656, pour retourner en France, soit qu’il fût rappelé, soit que le découragement l’eût décidé à s’éloigner des lieux où sa présence évoquait trop de souvenirs pénibles.