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filles qu’on y envoya de temps en temps pour les marier avec les nouveaux habitants aient été prises dans des lieux suspects, comme des voyageurs peu instruits l’ont avancé dans leurs relations. On eut toujours soin de s’assurer de leur conduite avant que de les embarquer, et celle qu’on leur a vu tenir dans le pays est une preuve qu’on y avait réussi. Ainsi en très peu de temps on vit presque tous ceux qui composaient la nouvelle colonie faire, à l’exemple de leur gouverneur, une profession sincère et ouverte de piété… On continua, les années suivantes, d’avoir la même attention, et l’on vit bientôt dans cette partie de l’Amérique commencer une génération de véritables chrétiens, parmi lesquels régnait la simplicité des premiers siècles de l’Église, et dont la postérité n’a point encore perdu de vue les grands exemples que leurs ancêtres leur ont laissés… Tout le monde sait de quelle manière la plupart des colonies se sont formées en Amérique ; mais on doit rendre cette justice à celle de la Nouvelle-France, que la source de presque toutes les familles qui y subsistent encore aujourd’hui est pure et n’a aucune de ces taches que l’opulence a bien de la peine à effacer : c’est que les premiers habitants étaient ou des ouvriers qui y ont toujours été occupés à des travaux utiles, ou des personnes de bonne famille qui s’y transportèrent dans la seule vue d’y vivre plus tranquillement et d’y conserver plus sûrement leur religion, qu’on ne pouvait faire alors dans plusieurs provinces du royaume, où les religionnaires étaient fort puissants. Je crains d’autant moins d’être contredit sur cet article que j’ai vécu avec quelques-uns de ces premiers colons presque centenaires, de leurs enfants et d’un assez bon nombre de leurs petits-fils ; tous gens encore plus respectables par leur probité, leur candeur et la piété solide dont ils faisaient profession, que par leurs cheveux blancs et le souvenir des services qu’ils avaient rendus à la colonie. Ce n’est pas que dans ces premières années, et plus encore dans la suite, on n’y ait vu quelquefois des personnes que le mauvais état de leurs affaires ou leur mauvaise conduite obligeaient de s’exiler de leur patrie, et quelques autres dont on voulait purger l’État et les familles ; mais, comme les uns et les autres n’y sont venus que par petites troupes, et qu’on a eu une très-grande attention à ne les pas laisser ensemble, on a presque toujours eu la consolation de les voir en très peu de temps se réformer sur les bons exemples qu’ils avaient devant les yeux, et se faire un devoir de la nécessité où ils se trouvaient de vivre en véritables chrétiens, dans un pays où tout les portait au bien et les éloignait du mal. »

M. Ferland a beaucoup étudié cette question : « À l’appui des témoignages rendus à la pureté des mœurs de nos ancêtres, dit-il, nous citerons une autorité qui ne peut être soupçonnée de flatterie : ce sont les registres mêmes où furent inscrits presque tous les baptêmes qui se firent dans le gouvernement de Québec jusque vers l’année 1672. Sur six cent soixante-quatorze enfants qui furent baptisés, depuis l’an 1621 inclusivement jusqu’à l’année 1661 exclusivement, on ne compte qu’un seul enfant illégitime. Il faut remarquer que, pendant une partie de cette période, tous[1] les enfants nés de parents français dans la colonie entière, étaient baptisés à Québec. Depuis 1661 jusqu’à 1690, on rencontre le nom d’un seul

  1. Non. Mais plus de la moitié du nombre total.