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CHAPITRE VI


Mgr de Laval et les jésuites. — Fondation du séminaire de Québec. — État du clergé de la colonie. — Dîmes. — Retour des récollets. — Les Relations des jésuites.



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n s’est demandé si Mgr de Petrée représentait le clergé national. Nous disons non. De 1659 à 1674, au moins, il n’a été qu’un instrument entre les mains des jésuites. Il avait été formé sous la direction de l’Ordre, et au moment où on le désigna pour occuper le siège de vicaire apostolique dans la Nouvelle-France, il demeurait dans une communauté dirigée par le père Bagot, jésuite. Le père Alexandre de Rhodes, aussi jésuite, formait alors les Missions-étrangères, et les trois premiers évêques des Indes furent choisis par les jésuites : Mgr de Laval le premier. Celui-ci fut un disciple qu’ils employèrent au Canada au profit de leur ambition temporelle. Ils le tinrent sous leur dictée, de 1659 à 1674, en lui payant pension[1] et en lui promettant d’obtenir de Rome le titre d’évêque de Québec. Voilà le mystère expliqué. Les fameuses « oppositions des Canadiens au pouvoir du roi », qui ont rempli tant de pages de notre histoire, n’étaient que des résistances aux empiètements de la combinaison jésuites-Laval.

Au mois d’août 1659, à peine débarqué à Québec, Mgr de Laval écrivait au père Goswin Nickel, général de la société de Jésus à Rome : « Dieu seul qui sonde les cœurs et les reins et qui pénètre jusqu’au fond de mon âme, sait combien j’ai d’obligation à votre Compagnie, qui m’a réchauffé dans son sein lorsque j’étais enfant, qui m’a nourri de sa doctrine salutaire dans ma jeunesse, et qui, depuis lors, n’a cessé de m’encourager et de me fortifier. Aussi je conjure Votre Paternité de ne point voir dans cette expression de mes sentiments de reconnaissance, le simple désir de remplir un devoir de convenance ; c’est du fond du cœur que je vous parle. Je sens qu’il m’est impossible de rendre de dignes actions de grâces à des hommes qui m’ont appris à aimer Dieu et ont été mes guides dans la voie du salut et des vertus chrétiennes. Si tant de bienfaits, reçus dans le passé, m’ont attaché à votre compagnie, de nouveaux liens viennent encore resserrer ces relations affectueuses. Il m’est donné, en effet, mon Révérend Père, de partager les travaux de vos enfants dans cette mission du Canada, dans cette vigne du Seigneur qu’ils ont arrosée de leurs sueurs et, même

  1. Lettre particulière de M. Pierre Margry.