Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome IV, 1882.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

pays pour être possédées en commun et administrées par le dit séminaire et suivant nos ordres et sous notre autorité, et des successeurs évêques du pays, à condition qu’il fournira la subsistance de tous les ecclésiastiques qui seront délégués dans les paroisses et autres endroits du dit pays, et qui seront toujours amovibles et révocables au gré des dits évêques et séminaire par leurs ordres ; qu’il entretiendra tous les dits ouvriers évangéliques, tant en santé qu’en maladie, soit dans la communauté, lorsqu’ils y seront rappelés ; qu’il fera les frais de leurs voyages, quand on en tirera de France, ou qu’ils y retourneront, et toutes ces choses suivant la taxe qui sera faite par nous et les successeurs évêques du dit pays, pour obvier aux contestations et aux désordres que le manque de règle y pourrait mettre.

« Et comme il est nécessaire de bâtir plusieurs églises pour faire le service divin, si pour la commodité des fidèles, nous ordonnons (sans préjudice néanmoins de l’obligation que les peuples de chaque paroisse ont de fournir à la bâtisse des dites églises,) qu’après que le dit séminaire aura fourni toutes les dépenses annuelles, ce qui pourra rester de son revenu sera employé à la construction des églises, en aumônes et en autres bonnes œuvres pour la gloire de Dieu, et pour l’utilité de l’église, selon les ordres de l’évêque, sans que toutefois, nous ni les successeurs évêques du dit pays, en puissions jamais appliquer quoique ce soit à nos usages particuliers, nous ôtant même et aux dits évêques la faculté de pouvoir aliéner aucun fonds du dit séminaire en cas de nécessité, sans l’exprès consentement de quatre personnes du corps du dit séminaire et clergé, savoir, le supérieur, les deux assistants et le procureur. En foi de quoi nous avons signé ces présentes, et y avons fait apposer notre sceau. »

L’année suivante (1664), par l’édit de création de la compagnie des Indes, le roi imposa à cette dernière l’obligation de faire passer des ecclésiastiques dans la Nouvelle-France, sachant bien que Mgr de Laval ne pouvait seul s’occuper avec fruit de cette tâche onéreuse. La compagnie devait aussi bâtir des églises et y établir des curés. Ainsi, les prêtres en question ne devaient rien coûter au roi, mais la colonie n’était point déchargée de la dépense qu’ils nécessitaient, comme les historiens se plaisent à l’affirmer. La compagnie des Indes taxait bel et bien les marchandises qu’elle vendait dans le pays, de manière à rentrer dans les déboursés que le roi lui imposait à l’égard des curés et des missionnaires. Un monopole accordé à des marchands finit toujours par se chiffrer contre les habitants du pays. Sous une forme déguisée, les Canadiens payaient pour le clergé, et sous une forme ouverte, ils versaient de plus la dîme destinée à l’entretien de ce même clergé et aux besoins du séminaire de Québec. Nous revenons sur ces affaires d’argent, de taxes, de négoce et de frais d’entretien du clergé, afin que le lecteur se défie dorénavant du système adopté par les historiens et qui consiste à prendre à la lettre les affirmations de gens intéressés qui disent : « Il n’en coûtait rien au roi ni à la colonie. » Le revenu se tirait, alors comme à présent, des choses et des hommes du pays. En approuvant (avril 1663) le décret de Mgr de Laval du 26 mars, Louis XIV ordonnait « que les dixmes, de quelque nature qu’elles puissent être, tant de ce qui naît par le travail des hommes que de ce que la terre produit d’elle-même, se payeront seulement de treize une (au lieu d’un dixième comme le veut le mot