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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

commerce, mais non aller dans les bois. Le 2 janvier 1673, à Montréal, il épousa Madeleine Charbonnier, native de Meudon, évêché de Paris. Sa descendance porte le nom de Rolland.

« En 1670, dit M. Rameau, il arriva cent soixante et cinq filles, non plus de Paris cette fois, mais de Normandie ; représentations ayant été faites à Colbert que les filles envoyées de Paris étaient trop délicates, celui-ci s’adressa à l’archevêque de Rouen, pour qu’il fît désormais choisir dans les paroisses de campagne, aux environs de cette ville, les filles qu’il conviendrait le mieux d’envoyer au Canada ; il vint de plus les colons que l’on expédiait chaque année à Talon pour peupler les villages des environs de Québec, environ quarante à cinquante familles. »

« La lettre suivante est de Talon, en date du 10 novembre 1670 : «… Il est arrivé cette année cent soixante et cinq filles, trente seulement restent à marier. Je les ai réparties dans des familles recommandables jusqu’à ce que les soldats qui les demandent en mariage soient prêts à s’établir ; on leur fait présent en les mariant de cinquante livres en provisions de toute nature et en effets ; il faudrait encore que Sa Majesté en envoyât cent cinquante à deux cents pour l’an prochain ; trois ou quatre jeunes filles de naissance trouveraient aussi à épouser ici des officiers qui se sont établis dans le pays. Je vous recommande d’envoyer des engagés. Madame Étienne, chargée par le directeur de l’hôpital général de la direction des jeunes filles qu’il envoie, retourne en France pour en ramener celles que l’on enverra cette année. Il faudrait fortement recommander que l’on choisît des filles qui n’aient aucune difformité naturelle ni un extérieur repoussant, mais qui fussent fortes, afin de pouvoir travailler dans ce pays, et enfin qu’elles eussent de l’aptitude à quelque ouvrage manuel. J’ai écrit dans ce sens à M. le directeur de l’hôpital. »

Il faut toujours citer les études de M. Ferland à ce sujet : « Le nombre de femmes et de filles venues de Paris est comparativement considérable. Il a été nécessairement grossi par la liste d’orphelines envoyées des maisons royales de charité. Plusieurs de ces personnes étaient des orphelines appartenant à des parents morts pauvres au service du roi. »

Le Beau, qui visitait le pays vers 1730, écrivait : « Le R. P. Joseph[1], Canadien, et d’autres vieillards, qui ont presque touché à ces premiers temps, disent que les hommes du régiment Carignan-Salières s’établirent avec des filles venues de France, qui étaient à charge de pauvres communautés, d’où on les tira pour les conduire en Canada de leur plein gré. »

Écrivant à Talon (1671), Colbert dit : « Il s’est présenté à Paris quelques officiers des troupes restées en Canada. Comme il importe au service de Sa Majesté qu’ils s’établissent dans ce pays et qu’ils servent d’exemple à leurs soldats, il est bien nécessaire que vous empêchiez, à l’avenir, ces officiers de repasser en France. Faites-leur comprendre que le véritable moyen de mériter les grâces du roi est de s’établir au pays et d’exciter fortement tous leurs soldats à travailler au défrichement et à la culture des terres. »

Il arriva de France, cette année, cent cinquante jeunes filles. Vers l’automne, l’intendant

  1. Probablement Joseph Denis, fils de Pierre Denis de la Ronde et de Catherine Leneuf. Il avait pris les ordres chez les récollets, vers 1690.