CHAPITRE I
1660-1665
Les espérances des Canadiens provenaient principalement des succès remportés par la mère-patrie en Europe. Mazarin disparaissait. La France restait debout dans la personne de Louis XIV, et ce roi, véritablement digne d’être le chef de la nation, reprenait les idées de son grand-père Henri IV, fortifiées de la politique de Richelieu dont il sut s’inspirer. Un souffle national allait s’emparer des Français. Tout ici, au Canada, était fait pour le comprendre. Si la guerre de trente ans, suivie des troubles de la Fronde, avait fait réfléchir autrefois le jeune souverain, les maux de la colonie ne manquaient pas non plus de porter à la réflexion ceux qui se regardaient comme les fondateurs du Canada. Une députation de Canadiens devait fort bien s’entendre avec les ministres qui recevaient la dictée nouvelle. Et pourquoi pas ? Les besoins étaient les mêmes des deux côtés de l’océan. Louis XIV voulait et pouvait dominer en Europe. Nous de même en Amérique. La seule puissance civilisée qui fût à craindre de notre part était l’Angleterre ; mais Charles II, à peine monté sur le trône, n’osait rien entreprendre contre son cousin de France. Il y avait bien les Hollandais d’Albany et de New-York ; toutefois, cette république de marchands à courte vue attendait pour voir se dessiner les intentions de la France. Restait à soumettre les Iroquois. L’apparition d’un régiment, invoqué depuis un quart de siècle, réglerait ce point important. Puisque le roi n’avait plus besoin de ses vieilles troupes, ne pourrait-il pas en envoyer quelque nombre sur nos rivages, et par là consolider la Nouvelle-France si terriblement en proie aux épreuves de la guerre sauvage ?
Un homme était tout désigné pour aller à la cour représenter la situation des Canadiens. C’était M. Pierre Boucher, anobli en 1660 en raison de ses services militaires. À un extérieur