Aller au contenu

Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome V, 1882.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
94
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

son rival, libre de recommencer les guerres et de négliger le Canada. L’Espagne était attaquée ; on bombardait Gênes (1684) ; les Iroquois reprenaient les armes ; le colonel Thomas Dongan arrivait comme gouverneur de la Nouvelle-York ; les Anglais pénétraient jusqu’au Détroit pour traiter ; François-Marie Perrot, quittant Montréal, se voyait placé à la tête de l’Acadie d’où se retirait Michel Le Neuf de la Vallières. Le Canada entrait dans une période d’effervescence et de dangers qui devait taxer lourdement et le courage et les ressources de ses colons.

Comme pour se préparer à ces temps d’épreuves et honorer leur patrie d’une gloire inattendue, plusieurs jeunes Canadiens servaient alors dans l’armée française ou sur la flotte que commandaient Tourville, Jean Bart et Duquesne. Nous les verrons reparaître et prendre la direction de nos milices, de manière à déconcerter les tentatives d’invasion des Anglais et balancer, contre des forces cinq fois plus nombreuses, les destinées de l’Amérique du Nord.

Dongan trouva la situation nettement dessinée : les Iroquois venaient de tuer trois ou quatre cents Illinois et d’en enlever neuf cents (1681). La Salle était accusé par de la Barre de provoquer sans motif les ressentiments des Iroquois. Depuis la paix de Nimègue (1679) les commerçants anglais et hollandais s’étaient avancés vers le lac Huron et le pays des Illinois. Dongan conçut le projet d’engager les Iroquois, ses voisins, à s’attacher à l’Angleterre et de réclamer tout le territoire situé au sud des grands lacs comme appartenant à cette puissance. M. de la Barre interprêta avec plus ou moins de bonheur les ordonnances relatives à la traite des fourrures et fit entrer en lutte ouverte Français contre Français. Le nuage qui grossissait du côté de New-York et d’Albany se rapprochait chaque jour davantage à la faveur de ces dissensions intestines. Il fallait mille hommes de troupes dans les contrées ainsi mises en dispute — mais les garnisons du Bas-Canada étaient insignifiantes par leur nombre. Les habitants pouvaient bien fournir mille bons miliciens parfaitement dressés — restait à savoir qui travaillerait aux récoltes en leur absence. Le roi réservait ses soldats pour les éventualités d’une guerre prochaine en Europe.

Charles Le Moyne de Longueuil dépêché vers les Iroquois qui avaient pillé des canots français, ne réussit pas à leur faire entendre raison. C’était en 1683. Un appel fut adressé à la cour de France. Le 9 novembre, un navire débarqua à Québec trois compagnies de cinquante-deux hommes chacune commandées par les capitaines d’Hosta, Chevalier et Aubry. Ce faible secours intimida momentanément les Iroquois. À la fin de février 1684, ceux-ci reprirent de l’audace et enlevèrent pour seize mille livres de marchandises à des Français qui se rendaient aux Illinois. En même temps, M. de la Barre faisait retirer La Salle de Cataracoui et plaçait au fort Saint-Louis, sur la rivière des Illinois, M. de Baugy comme successeur de Henry de Tonty qui avait créé ce poste par ordre de La Salle. Au mois de mars, Olivier Morel de la Durantaye, qui commandait à Michillimakinac, se mit en marche avec ce qu’il avait d’hommes disponibles pour porter secours au fort Saint-Louis des Illinois, ayant appris que les Iroquois se préparaient à le surprendre. Le coup n’eut pas lieu, bien que les Tsonnontouans se fussent avancés assez loin dans cette direction. Leur dessein était