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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

dressée aux chutes des Chats, sur la rivière Ottawa, mais après avoir perdu douze hommes en ce lieu, les ennemis se retirèrent. Les soldats reprirent le chemin de Montréal.

L’été de 1691 s’écoulait au milieu de ces luttes. Il y eut des rencontres sanglantes dans presque toutes les paroisses du gouvernement de Montréal. L’hiver suivant, les Français, les Canadiens et les Sauvages allèrent en course dans les cantons iroquois les plus hostiles. L’année 1692 vit se répéter autour de Montréal et jusqu’aux portes des Trois-Rivières, les coups des Iroquois. Toute tentative de culture entraînait danger de mort. Les maisons de campagne n’étaient plus en sûreté. Bien qu’il fût arrivé des troupes de France durant les dernières années et que grâces à elles l’on eût sous la main vingt-huit compagnies bien organisées, outre les habitants, tous très aguerris, la situation n’était point supportable, car la disette redoublait et l’on ne vivait dans les habitations situées au dessus du lac Saint-Pierre que des vivres apportées de Québec, parfois de France.

Le fort de Cataracoui était toujours abandonné. En 1692 le gouverneur-général y envoya le capitaine de ses gardes, Michel Le Neuf de la Vallière, qui répara la brèche faite par M. de Valrennes en 1689 et se mit en rapport avec les Iroquois. Cette nation était divisée ; les uns tenaient pour les Anglais, les autres pour les Français. Le sieur Nicolas d’Ailleboust de Mentet[1], voulant intimider les Agniers, construisit un retranchement de pieux au lac Saint-Sacrement, mais cette démonstration déplut à un grand nombre d’Iroquois et il fallut se retirer. Un parti, commandé par René Le Gardeur de Beauvais[2], surveillait le lac Champlain. Sur l’Ottawa, principalement au lac des Deux-Montagnes, Duluth dirigeait des patrouilles. Un corps volant de deux cents soldats protégeait les environs de l’île Jésus et Lachesnaye. Au-dessus de Repentigny se tenait un brigantin armé. Malgré ces précautions, des bandes de vingt à trente Iroquois pénétrèrent jusqu’à Montréal d’où M. de Crisassy les éloigna par une marche hardie ; d’autres tombèrent sur Lachesnaye et commirent quelques dégâts ; deux habitants, du nom de Jean Besset et Joseph Dumay, furent scalpés à Saint-Lambert ; un détachement, descendu par la rivière Yamaska, enleva deux familles près des Trois-Rivières et trois ou quatre jeunes gens à la rivière du Loup ; François Hertel se mit à sa poursuite, ce qui fut cause que les Iroquois, se voyant obligés de fuir, brûlèrent plusieurs de leurs prisonniers.

L’année 1693 fut plus tranquille. Vers la fin de l’automne, les habitants de Lachesnaye résolurent d’aller hiverner sur leurs terres. Bientôt après, les ennemis les surprirent la nuit et les amenèrent tous captifs, à l’exception de ceux qui furent tués en combattant. La chasse était abondante au lac Saint-François ; les Iroquois y avaient établi un fort campement l’hiver de 1693-94 ; François Chorel d’Orvilliers et Berthelot de Beaucour les surprirent le sabre à la main et en firent un massacre général. Au temps des récoltes (1694) un fort parti iroquois descendit le Richelieu et entra dans les terres pour surprendre Boucherville, mais le capitaine de la Durantaye l’atteignit avant qu’il n’eût fait le coup et le dispersa ; il y eut deux

  1. En 1694, il épousa Françoise Denys de la Ronde.
  2. En 1694, il épousa Marie-Barbe de Saint-Ours.