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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

dans l’espoir d’évangéliser les idolâtres ; et les commerçants, tout aussi entreprenants, mais dans un but moins relevé, cherchaient de ce côté le chemin de la Chine. La mère de l’Incarnation écrivait (7 octobre 1646) : « On a découvert de nouvelles terres et de nouveaux peuples, où l’on va porter la lumière de l’Évangile. Ces nouvelles découvertes donnent de grandes espérances pour le progrès du christianisme. Il y a de nos pères (jésuites) qui se sont hazardés d’y passer seuls, quoiqu’aucun Français n’y ait encore été ».

Nous avons déjà dit[1], que cette année, il y avait quinze pères jésuites chez les Hurons. En 1648 on envoya soixante Français ou habitants dans ces postes où il y en avait déjà une quarantaine, dont dix-huit appartenaient à la compagnie de Jésus. La maison de Sainte-Marie était le poste central de dix missions. En ce moment, la guerre à outrance que les Iroquois avaient recommencée contre les tribus huronnes entrait dans sa période la plus tragique et devait bientôt amener l’anéantissement des villages autrefois visités par Champlain. Dès 1649, cette colonie était plus qu’à moitié détruite, malgré le secours d’une trentaine de Français, habitués au maniement des armes, qui venaient d’y être envoyés de Québec. La résidence de Sainte-Marie résista jusqu’en 1650, année de la dispersion des Hurons, mais enfin les jésuites furent contraints d’abandonner le champ de leurs travaux, où quelque-uns d’entre eux venaient d’être massacrés cruellement en compagnie d’un certain nombre de Français. Les tribus huronnes se réfugièrent à Michillimakinac, dans l’île de Manitouline et à l’entrée du lac Supérieur ; ils formèrent un établissement considérable à Chagouamigon au fond du lac Supérieur. Les Français, en petit nombre d’abord, franchirent ce dernier lac pour rejoindre leurs amis les Hurons, mais il semble que leurs vues se portèrent davantage sur le Michigan où les attiraient des peuples encore indépendants des Iroquois, une traite facile et les bienfaits d’un climat tempéré. Les Sioux, toutefois, qui habitaient vers le haut du Mississipi, commençaient à éveiller l’attention des blancs.

La série des grands voyages au nord-ouest date de cette époque. Elle ne fut pour ainsi dire, jamais interrompue depuis.

Au printemps de 1653 des Outaouais étaient venus à Montréal sur trois canots donner des nouvelles des Hurons réfugiés chez eux ; ils annonçaient que des sauvages de quatre nations du lac Michigan descendraient à la traite l’année suivante.

Le père Le Mercier écrivait en 1653 à la suite de cette visite : « On nous a dit que dans des îles du lac des Gens-de-Mer que quelques-uns appellent mal à propos les Puants, il y a quantité de peuples dont la langue a grand rapport avec l’algonquine[2] ». La mère de l’Incarnation disait en 1654 : « Des Sauvages fort éloignés disent qu’il y a au-dessus de leur pays une rivière fort précieuse[3] qui aboutit à une grande mer que l’on tient être celle la Chine ». Les Français, entendant raconter par les Sauvages de l’ouest qu’il existait dans cette direction un grand lac dont les eaux étaient puantes (en raison du sel qu’elles renferment) crurent

  1. Voir tome III, 21, 19, 21, 22.
  2. Voir tout le passage, tome IV, p. 18, du présent travail.
  3. Après Nicolet, ceci nous semble être la première mention du Mississipi