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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

d’Hudson fut autorisée par Charles II. Chouart reçut une pension de vingt mille écus et l’ordre de la Jarretière. Radisson retourna à la baie en 1670, conduisant le gouverneur Bailey. C’est vers ce temps qu’il paraît avoir épousé une fille du chevalier Kertk. Chouart et lui étaient au fort Nelson en 1673, puis au fort Rupert en 1674 pour le compte des Anglais.

Au Canada, ces événements causèrent de l’inquiétude[1]. Le 6 août 1671 partirent de Québec le père Albanel et M. Paul Denys de Saint-Simon, avec quelque escorte, qui remontèrent le Saguenay, hivernèrent au lac Saint-Jean, et atteignirent la baie d’Hudson par la rivière Nemiscau où étaient les forts bâtis sous les ordres des deux transfuges français, mais vides en ce moment. Ils prirent possession du pays au nom de la France (1672). En chemin, ils virent des « voyageurs » qui prétendaient avoir été à la baie huit années auparavant, date correspondante à celle de l’expédition de Chouart, 1662-63, ou de Couture, 1663.

Tournons de nouveau nos regards vers l’ouest. En 1664, le père Allouez n’avait pu exécuter le projet de partir avec les Outaouais pour aller au delà des grands lacs continuer les missions interrompues par le décès du père Ménard. Il s’embarqua l’année suivante, compléta l’exploration du lac Supérieur, fit rapport sur les mines de cuivre, fonda à Chagouamigon la mission du Saint-Esprit, et se prépara à pénétrer soixante lieues plus loin sur le haut Mississipi, habité par les Sioux, tant dans un but religieux que pour s’assurer de la direction du cours de ce fleuve.

À partir de 1665, les Français maintinrent constamment quelques postes autour du lac Supérieur. Sur la carte de 1668, attribuée aux pères Marquette et Allouez, cette nappe d’eau porte le nom de Tracy. « Dès lors, écrit Charlevoix,[2] on parlait des Illinois comme d’une nation presque détruite par les Iroquois ; toutefois, cinquante ans après, elle était encore de quarante mille âmes. Le père Allouez vit aussi quelques Sioux[3] à Chagouamigon, mais il ne put traiter avec eux que par interprète ; et la même chose lui arriva avec plusieurs autres nations… Les Sioux firent entendre au missionnaire que leur pays était l’extrémité du monde vers le nord, mais il y a bien de l’apparence qu’ils comprenaient sous le nom de Sioux toutes les nations qui parlent des dialectes de leur langue, surtout les Assiniboils. Au couchant, ils avaient pour voisins les Karesis, au delà desquels ils disaient que la terre est coupée et qu’on ne voyait plus que de l’eau puante : c’est ainsi qu’ils désignent la mer. Au nord-ouest, ils sont bornés par des peuples qui se nourrissent de chair humaine et la vendent crue. Il y a dans le voisinage des Assiniboils, une nation dont on dit la même chose ; mais il périt beaucoup de monde dans ce pays là par les dents d’une espèce d’ours, d’une grandeur énorme, et qui ont les ongles extrêmement longs. Les Kilistinons ou Cristinaux, que nos Canadiens appellent Criques, faisaient en ce temps-là des excursions jusqu’à cette extrémité du lac Supérieur, et le père Allouez, qui y en vit plusieurs, assurait qu’ils adorent le soleil, auquel ils sacrifient des chiens qu’ils pendent aux arbres. Il ajoute que ces Sauvages sont

  1. Relation 1672, p. 42, 43, 53, 54.
  2. Histoire de la Nouvelle-France, I, 396.
  3. Voir Relation, 1667, p. 23.