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Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome V, 1882.djvu/43

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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

que ces heureux commencements n’eurent aucune suite et que les navires, bientôt, revinrent sur leste. En 1681, l’intendant Duchesneau disait au ministre : « Quant au commerce de ce pays avec les Antilles, je vous dirai sincèrement qu’il n’est jamais allé autant de navires à ces îles que depuis que je suis arrivé ici (1675). Il y est allé jusqu’à quatre navires en une année et au moins deux les autres années. » C’est donc qu’ils trouvaient des chargements de retour ? M. Parkman affirme cependant, que dès cette époque, le commerce des Antilles avait presque cessé ! Un peu plus loin, il nous dit que, en 1686, il fut exporté dix-huit mille minots de grain aux Antilles. Dès 1673 Frontenac écrivait que les habitants ne savaient que faire de la quantité de blé qu’ils ne pouvaient consommer sur place. Le Mémoire de 1703 s’exprime comme suit : « Le commerce des fourrures produit trois mouvements : leur importation en France — leur importation ailleurs étant défendue — ; l’importation des marchandises échangées en France pour les fourrures, et l’exportation des produits des Antilles, échangés pour ces mêmes marchandises venant de France. Ce commerce, dans ses trois mouvements, peut produire environ vingt millions par année. »[1] À cette dernière date, la population du Canada était de seize mille âmes, ce qui représentait un mouvement d’affaires plus de deux fois aussi considérable que celui d’à présent. De 1703, jusqu’à la conquête, loin de s’amoindrir ce commerce a augmenté.

« En 1670, la compagnie des Indes occidentales eut permission[2] de faire passer dans les îles de l’Amérique française jusqu’à cent mille francs en petites espèces, marquées à un coin particulier, avec une légende qui lui était propre[3]. L’édit du roi est du mois de février et il portait que ces espèces n’auraient cours que dans les îles, mais sur quelques difficultés qui survinrent, le conseil rendit, le 18 novembre de l’année 1672 un arrêt par lequel il fut ordonné que la susdite monnaie et toutes les espèces qui auraient cours en France, l’auraient aussi, non seulement dans les îles françaises, mais encore dans la terre ferme de l’Amérique soumise à la couronne, avec l’augmentation d’un quart, en sus — c’est-à-dire les pièces de quinze sous pour vingt, et le reste à proportion. Le même arrêt ordonnait que tous les contrats, billets comptes, achats et payements seraient faits entre toutes sortes de personnes au prix d’argent, sans qu’il pût être usé d’échanges, ni compté en sucre ou autres denrées, à peine de nullité des actes. Et pour le passé, il fut réglé que toutes les stipulations de contrats, billets, dettes, redevances, baux à ferme en sucre ou autres denrées seraient réduites payable en argent, suivant le cours des monnaies susdites. En exécution de cet arrêt, la monnaie augmenta d’un quart dans la Nouvelle-France, ce qui ne tarda guères à y causer bien des difficultés… L’intendant se trouva beaucoup embarrassé, soit pour le payement des troupes, soit pour les autres dépenses que le roi faisait dans cette colonie. » (Charlevoix : Journal Historique, I, 134-35.)

  1. Voir La Revue Canadienne, 1872, p. 184 ; La Revue de Montréal, 1879, pp. 490, 602.
  2. La demande avait été formulée par Talon.
  3. Au revers de la pièce se voit l’écu de France surmonté d’une couronne. Une petite tour figure au-dessus de la couronne. La légende est : Gloriam regni tui dicent, 1670. « Ils rediront la gloire de ton règne. » De face, cette monnaie représente la tête de Louis XIV couronnée de lauriers ; autour : Lud Xiiii. D. G. Fr. et Nav. Reg. Au-dessus de la tête un soleil levant.