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Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome VI, 1882.djvu/126

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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

débauchées. Cependant, l’une est servante chez monsieur le commissaire (Duclos) qui peut-être la corrigera. » Lamothe-Cadillac ne manque jamais l’occasion d’attaquer Duclos, l’ami et le commensal de Bienville.

« Ainsi, conclut M. Gayarré, cette poignée d’hommes qui végétaient sur une terre étrangère, loin de leur patrie, au lieu de s’unir pour s’aider mutuellement contre les misères de tous genres dont ils se plaignaient amèrement, s’étaient divisés en deux camps. Bienville et le commissaire-ordonnateur Duclos étaient à la tête de l’un, et le gouverneur, avec quelques officiers à la tête de l’autre. »

Lamothe-Cadillac se croyait destiné à enrichir sa compagnie par la découverte des mines d’or. « Rien de plus vrai, disait-il, que Sa Majesté a entretenu ici, pendant plusieurs années, pour faire la découverte des mines, cent Canadiens, sous M. de Bienville, qui n’a fait aucun mouvement, s’en étant servi, lui et son frère d’Iberville, à tout autre usage. Si j’en avais à moi seulement la moitié, j’en saurais bientôt le court et le long, c’est-à-dire, s’il y a des mines ou non. Le dit sieur de Bienville a demandé vingt mille livres pour aller à la découverte par les terres, où j’ai envoyé vingt-cinq Canadiens et soixante-dix sauvages sous la conduite de M. de Saint-Denis, ce qui ne coûte à M. Crozat que deux mille livres. »

Avant l’arrivée de Lamothe-Cadillac, en 1711 ou 1713, Bienville avait expédié par mer son neveu, Le Moyne de Sainte-Hélène, à la Vera-Cruz, dans un but de trafic, mais après un voyage de neuf mois, Sainte-Hélène, dissipé et peu entendu en ces sortes d’affaires, y avait enfoui les fonds confiés à ses soins. En 1714, Lamothe-Cadillac, apprenant que les Espagnols tentaient de créer un établissement aux Natchitoches, sur la rivière Rouge du sud, à quarante lieues de son embouchure dans le Mississipi, dépêcha Juchereau de Saint-Denis, avec mission de construire un poste en cet endroit, d’y laisser quelques Canadiens et de poursuivre sa marche jusqu’au Nouveau-Mexique, afin de s’assurer s’il était possible d’ouvrir un commerce, par terre, entre la Louisiane et les possessions espagnoles, où il espérait que M. Crozat trouverait un vaste débouché pour ses marchandises. Après avoir traversé des pays inconnus, Juchereau, accompagné de vingt Canadiens d’élite, arriva à Saint-Jean-Baptiste ou Presidio del Norte, sur le Rio Bravo ; le gouverneur de ce lieu, don Pedro de Villescas, qui l’accueillit fort bien et dont la fille sut lui plaire, le recommanda aux autorités supérieures, tellement que, d’étape en étape, il se trouva chez le vice-roi, à Mexico, au commencement de l’année 1715, avec son valet, Médard Jallot, ayant renvoyé ses hommes sous la conduite d’un nommé Pénicaut, rejoindre leurs camarades à Natchitoches. Sans vouloir l’écouter, le duc de Linarez, vice-roi, le fit mettre en prison et l’y laissa trois mois, après quoi des officiers français, qui savaient que Juchereau était l’oncle de la femme de d’Iberville, parvinrent à le faire libérer. Le vice-roi crut alors au récit que lui avait fait Juchereau de ses amours avec Mlle de Villescas ; il lui fit cadeau d’une somme d’argent, le logea, l’invita à sa table, le sollicita d’imiter quelques-uns de ses compatriotes qui avaient pris du service au Mexique et lui offrit une compagnie de cavalerie, mais sans succès. Le roman ne devait pas finir là. Deux mois plus tard, le brave Canadien reprenait le chemin de