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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

m’ordonne de ne rien négliger pour suivre les vues que Sa Majesté a de faire un établissement dans cet endroit, et d’engager deux missionnaires à y monter avec le commandant que j’y ai envoyé, j’en sentis trop la nécessité pour n’y pas donner tous mes soins. Le bien du service, celui de la colonie et de la religion s’y trouvaient intéressés, et ce que vous m’avez fait l’honneur de m’en mander semble renfermer ces trois principes. D’ailleurs, il a paru d’autant plus nécessaire d’y avoir fait cet établissement qu’il n’y a point à douter que les Renards (dans leur déroute) n’eussent trouvé asile chez les Sioux si les Français n’y avaient été établis et l’on ne peut attribuer aujourd’hui la docilité et la soumission que les Renards font paraître, qu’aux attentions et aux offres avantageuses que les Sioux ont faites aux Français. Il serait donc nécessaire d’entretenir les Sioux dans ces heureuses dispositions, pour tenir les Renards en respect, et rompre les mesures qu’ils pourraient prendre pour s’attirer le cœur des Sioux, qui rejetteront toujours leurs propositions tant qu’ils verront les Français chez eux et que l’établissement qu’on y a fait subsistera. Mais quoique tous les avantages que je viens d’avoir l’honneur de vous marquer sur l’importance qu’il y a de conserver cet établissement, me paraissent d’une nécessité indispensable, je ne puis cependant prendre aucun parti que je n’aie des nouvelles des Français qui m’ont demandé de monter cet été, avec un canot chargé d’effets, qui comptent passer par les Sauteux de la pointe,[1] et que je ne sois assuré que les Français qui y ont hiverné n’aient point désemparé le fort, et que les Sioux soient dans les mêmes sentiments. D’ailleurs, il ne paraît pas bien aisé, dans la conjecture présente, de maintenir cet endroit à moins d’une paix solide avec les Renards. D’un autre côté, la plus grande partie de la compagnie qui a fait le traité dont j’ai eu l’honneur de vous envoyer copie, s’en est désistée et ne veut plus y envoyer. La rupture que nous avons avec les Renards, chez lesquels il faut passer pour aller en canot chez les Sioux, les ont engagés à n’y plus penser, mais dans l’un ou l’autre cas, on pourrait y remédier. Il y a toute apparence que les Renards viendront l’année prochaine demander la paix, ou qu’ils y enverront de leur part ; ainsi en leur accordant à de bonnes conditions, il n’y aurait rien à craindre pour aller chez les Sioux. L’on pourrait aussi former une autre compagnie, moins forte que la première, avec laquelle on ferait un nouveau traité, ou le faire avec quelques négociants qui pussent en supporter les avances. Ces difficultés seraient, par ce moyen, bientôt levées. Il y en a qu’une, Monseigneur, à laquelle j’ai cru devoir me joindre avec M. Hocquard[2] pour prendre la liberté de vous l’exposer. C’est celle d’y faire monter un officier commandant et un en second, avec quelques soldats, qu’il serait nécessaire d’y envoyer absolument pour maintenir le bon ordre dans ce poste ; et les missionnaires n’iraient pas non plus sans commandant. Cet article, qui regarde le service et dont les frais doivent être pour le compte de Sa Majesté, nous font prendre la liberté, Monseigneur, de vous demander sur cela ses ordres. Nous engagerons, autant qu’il nous sera possible, les traitants de ce poste à se charger de cette dépense (qui

  1. Chagouamigon, près du fond du lac Supérieur.
  2. Il agissait alors comme intendant.