La seigneurie de Beaubassin commençait à se peupler. En 1675 Michel le Neuf de la Vallière, qui en était le concessionnaire (il y avait établi des postes de traite dès 1672), invita le père Claude Moireau, récollet, curé des Trois-Rivières, à se joindre à lui ; ce missionnaire s’occupa, durant trois ans, de visiter les Français et les Sauvages répandus dans les environs. Le titre de Beaubassin ou Chignitou est du 24 octobre 1676. Il paraîtrait que, déjà, un nommé Jacques Bourgeois et d’autres habitants, y avaient ouvert des cultures. M. de la Vallière amenait des colons de sa ville natale, les Trois-Rivières, lesquels épousèrent des Acadiennes. La route commerciale qu’il avait frayée, de Chignitou à la baie Verte, le mettait en rapports directs avec le Saint-Laurent et la France, sans passer par la baie Française (Fundy) et sans faire le tour de la presqu’île acadienne. Voulant former sa seigneurie sur celles du Canada, il fit don aux récollets de six arpents de terres de front par un contrat que M. de Frontenac, syndic apostolique des missions de l’Ordre, approuva le 8 septembre 1678. Cette année, les prêtres des Missions Étrangères remplacèrent les récollets à Port-Royal. Jusqu’à l’été de 1678 la famille de M. de la Vallière demeura dans le Bas-Canada ; elle paraît s’être transportée à Beaubassin l’automne qui suivit, lorsque, apprenant la mort récente de M. Pierre Joybert de Marson, le gouverneur-général nomma M. de la Vallière au commandement de l’Acadie. L’année suivante, la population blanche de cette province était de cinq cent quinze âmes, sans compter les petites garnisons ; c’était, depuis 1670, une augmentation de près de cinquante colons, la plupart célibataires.
M. Rameau dit : « M. de Grandfontaine s’était employé activement à rétablir dans le pays l’ordre et la paix ; mais cette paix fut malheureusement trop souvent troublée sous ses successeurs immédiats, MM. de Chambly, de Soulanges et de la Vallière. Les flibustiers étrangers débarquèrent plusieurs fois sur ses côtes, et comme la colonie ne recevait de France ni immigration ni secours d’aucune sorte, ces invasions concoururent, avec l’incurie de la métropole, à ralentir singulièrement les progrès de l’Acadie. Les flibustiers occupèrent même Port-Royal et Pentagoët en 1679 et cette occupation aurait pu avoir des conséquences assez graves si Saint-Castin avec ses Abenaquis, n’eût surpris l’ennemi qu’il expulsa de Pentagoët ; ces pirates se retirèrent également de Port-Royal… et M. de la Vallière réoccupa le fort en le restaurant grossièrement. »
Le bassin des Mines reçut, vers 1680, deux premiers colons : Pierre Melanson dit la Verdure et Pierre Therriau. Quelques années plus tard, on tirait de ce lieu du blé en quantité suffisante pour nourrir toute l’Acadie. À la même époque (1680) le gouvernement français autorisa l’action d’une compagnie qui s’était formé pour la pêche principalement. Plus d’un habitant de Port-Royal eut des barques à la mer à partir de ce moment. L’un des navires de la compagnie s’échoua au port à la Baleine, cap Breton, et les Bostonnais le pillèrent, ce dont Frontenac porta plainte (9 novembre 1681) tout en expliquant que la rivière Saint-George, sur les côtes du Maine, était reconnue et acceptée comme la limite des possessions anglaises au sud de l’Acadie. Le sieur de la Vallière, envoyé à Boston pour traiter de cette affaire, venait d’être attitré de nouveau dans son gouvernement. Voici quelle étendue de contrées