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CHAPITRE II


1690-1712


D’Iberville à la baie d’Hudson et au golfe du Mexique. — Établissement de la Louisiane.



M

êlé désormais à toutes les querelles de la France et de l’Angleterre, le Canada sort en quelque façon du simple rang de colonie pour agir comme allié du cabinet de Versailles. En de certains moments, il se charge à lui seul de supporter la guerre d’Amérique. De 1690 à 1760, on le voit accomplir des prodiges, malgré ses faibles ressources. Il a plus fait pour sa mère-patrie que les treize États américains n’ont fait pour acquérir leur propre indépendance.

D’Iberville était retourné à la baie d’Hudson en 1690, c’est pourquoi il n’est pas cité au siége de Québec cette année. Déjà sa renommée s’étendait par toute l’Amérique. À l’âge de vingt-huit ans, son nom était placé dans l’Histoire, mais il aspirait à de nouveaux exploits et voulait élever l’honneur de sa patrie encore au-dessus de ce que ses plus nobles enfants désiraient pour elle. Les Canadiens subissaient avec orgueil le prestige de sa vaillance et se laissaient entraîner par l’enthousiasme singulier dont il communiquait l’étincelle à tous ceux qui l’approchaient. L’homme prodigieux qui a livré tant de combats et qui partout a triomphé à la tête d’une poignée de volontaires, devait être doué d’un pouvoir de fascination comparable à celui des grands capitaines de l’ancien monde. Les Canadiens, qui l’adoraient, étaient pour lui, observe Charlevoix, la dixième légion qui ne combattait que sous la conduite de César et à la tête de laquelle César était invincible. En plus d’une occasion, les troupes régulières, tenues en échec devant l’ennemi, se virent assurer la victoire par l’élan des milices canadiennes, dont l’apparition sur un champ de bataille relevait les courages, comme plus tard la vieille garde de Napoléon. Combien de fois n’a-t-on pas vu les officiers français paralysés dans leur action et ne sachant que faire avec nos miliciens ? Survenait-il alors un officier canadien, fut-ce même un humble enseigne, tout changeait de face tant nos compatriotes avaient confiance dans les ressources naturelles des enfants du pays.