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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Ceux qui regardaient le Canada comme leur patrie, commencèrent alors à se préoccuper d’eux-mêmes. Lévis, bien que Français, était de tout cœur avec eux. Vaudreuil n’avait d’autres intérêts que les leurs. Un incroyable élan de patriotisme fit reprendre les armes aux milices de chaque paroisse. Ne nous rendons pas ainsi, sans conditions ! s’écriaient-elles. Qu’un dernier effort des braves arrache à l’ennemi le droit de dicter la capitulation ! Que la France se retire puisqu’elle le veut, mais que les Canadiens se fassent respecter même dans la défaite. La patrie n’est pas morte ! Elle existe avec nous, par nous ; qu’elle reste fière et honorable pour conquérir ses libertés politiques. Et, en effet, elle vit encore, preuve qu’on ne l’a pas étouffée.

De bonne heure au printemps de 1760, Lévis mit le siège devant Québec. À ce trait d’audace, les Anglais, inquiets, perdirent toute prudence. Ils présentèrent la bataille. Le 28 avril, à Sainte-Foye, une défaite éclatante anéantit leurs meilleurs régiments. Les Acadiens combattaient avec nous. Cette lutte suprême rendait le sort du Canada douteux. À l’apparition de la flotte de France, le drapeau britannique n’avait plus qu’à se retirer ou à se livrer. Ce fut la flotte anglaise qui arriva. Les Canadiens reculèrent pied à pied en présence des nouveaux adversaires. On mit quatre mois à se replier sur Montréal. Amherst, qui amenait une armée par le lac Champlain, se joignit alors aux autres troupes anglaises. Vaudreuil parla de capitulation. Lévis conçut l’idée d’opérer sa retraite sur le Détroit et de sortir de l’Amérique par la Louisiane. Les généraux anglais hésitaient à accepter les conditions exigées par les Canadiens, mais ceux-ci, que tant de maux n’avaient pas abattus, se redressèrent encore une fois. Nous nous battrons ! s’écria Lévis. Ce fut la dernière parole de cette longue guerre. Le 8 septembre, Amherst signait la capitulation de Montréal et de tout le pays — dictée par nous.

Les lois, les propriétés, la langue, la religion des Canadiens étaient respectées. Du sein d’un désastre inouï, nous sortions armés pour les luttes de l’avenir. Il y eut exception pour les Acadiens dont Vaudreuil invoqua la cause et que les Anglais ne voulurent pas admettre aux bénéfice de cet arrangement. Cent sept ans plus tard, nos hommes d’état, en stipulant des conditions pour la race française du Canada qui allait entrer dans le pacte fédéral, omirent aussi les Acadiens.

Voyons les articles de capitulation de Québec et de Montréal :

Québec. — « Demandé par M. de Ramsay, lieutenant pour le roi (de France) commandant les haute et basse-ville de Québec, chef de l’ordre militaire de Saint-Louis, à Son Excellence le général des troupes de Sa Majesté Britannique, —

« i. Monsieur de Ramsay demande les honneurs de la guerre pour sa garnison, et qu’elle soit envoyée à l’armée en sûreté, par le chemin le plus court, avec armes et bagages, six pièces de canon de fonte, deux mortiers ou obusiers et douze coups à tirer par pièce.[1]

  1. « La garnison de la ville, composée des troupes de terre, de marine et matelots, sortiront de la ville avec armes et bagages, tambours battants, mèches allumées, deux pièces de canon de France, et douze coups à tirer pour chaque pièce, et sera embarquée le plus commodément qu’il sera possible, pour être mise en France au premier port. » (Signé) « Saunders et Townshend. »