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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

plus une seigneurie dans la rivière Chambly, et la charge de juge de paix. « Honnête homme, sévère, juste et calviniste, » dit Laterrière. Des compagnons de captivité qui figurent autour de Ducalvet, citons encore les suivants : François Caseau, Louis Carignan et Joseph Dufort, négociants ; Pellion, chirurgien ; Burton, boulanger ; Lavallée, forgeron, Jacques Noël, cordonnier ; Williams, Hamel, Cazettey, Foucher, Liébert, fils, Caseau, fils, et D’Helzène, fils.

De nos jours, où la presse et la télégraphie ont tant multiplié le colportage des nouvelles, il arrive constamment que l’on nous trompe et que les contes les plus mal faits nous sont débités par des gens payés pour nous tenir au courant de ce qui se passe dans le monde. Comment s’étonner, par conséquent, des faux bruits dont se contentaient les prisonniers de Haldimand ? Une lettre autographe de François Caseau, nommé ci-dessus, que l’on nous a passée renferme ce passage, en date du 22 juin 1780, prison de Québec : « Tout le monde soutient qu’une flotte française est en bas dans la rivière. Des personnes mêmes sont venues de la Pointe-Lévis pour le dire expressément aux prisonniers. Tous les officiers et soldats s’y attendent. Il est défendu à toute personne de se promener sur les travaux sous peine de prison. Il n’est même pas permis aux journaliers de se voir. Chacun est obligé de faire son ouvrage à l’insu des uns des autres. Malgré cette sage précaution du général, un ami fidèle, que je crois comme je suis vivant, m’a dit avoir parlé à un espion, sur les travaux, habillé en l’uniforme du régiment du colonel Zisoppe qui lui a dit positivement que les troupes du roi (d’Angleterre) ont été battues à la Nouvelle-York (New-York) par les Américains et qu’ils (les Américains) étaient en marche pour le Canada. Il (l’espion) a montré une lettre du général Billy, Amérique, adressée à leurs amis, qui dit qu’il y a deux armées qui entrent en Canada cette année, et qu’une flotte française sera en rivière (dans le Saint-Laurent) avec trente mille hommes pour Québec. L’espion dit que c’est vrai sur sa vie. Dans le même jour il a été vendu. La lettre fut remise au général Haldimand mardi de cette semaine. On fait chercher partout pour le prendre. Je pense qu’il s’en sera retourné rendre compte. La lettre de l’espion dit que la flotte anglaise a été abîmée par les Français. Ils (les Anglais) se sont sauvés comme ils ont pu, dans leurs ports, autour des îles de l’Angleterre. Le combat s’est donné au canal Saint-George. » On sait en effet que les Anglais n’étaient victorieux ni en mer ni dans les États, mais la France s’occupait du Canada comme de l’an quarante. Les espionnages et toutes les ruses des Yankees pour aviver la haine du régime anglais parmi nous n’étaient basés que sur des impostures. Si les Anglais nous tracassaient ouvertement, les Américains (une autre sorte d’Anglais) nous trompaient, ou plutôt cherchaient à se jouer de nous. En politique et en diplomatie cela n’est guère nouveau.

Le 30 novembre 1782 furent signés les préliminaires du traité de paix de Versailles qui reconnut l’indépendance des États-Unis. Le 2 mai suivant Ducalvet recouvra la liberté, sans avoir passé devant ses juges ; il alla d’abord en France, y vit Franklin, puis passa en Angleterre pour faire appel à la justice du parlement. Laterrière[1] se trouva libéré en novembre et

  1. Il alla à Terreneuve et revint lorsque Carleton reprit l’administration.