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CHAPITRE XI


Les débuts de la littérature. — Le journalisme. — Le théâtre. — Élèves du séminaire de Montréal. — Recensement de 1790. — Liste des membres du clergé à la même date. — La langue française.


O

n va s’étonner de nous entendre dire que la littérature canadienne a pris naissance à la fin des troubles qui ont marqué les commencements du régime anglais. C’est pourtant la vérité. Le moindre coup d’œil sur notre histoire, depuis cent ans, montre que, au lendemain des crises, il y a toujours eu chez nous un réveil en faveur des belles-lettres. C’était le vieux fond qui revenait à la surface, car nos gens ont par nature le goût des choses de l’esprit. Nous ne serions pas Français sans cela. Aux heures de repos nos pensées vont à l’étude, le plus souvent avec trop de légèreté, mais enfin nous ne nous renfermons pas dans l’indifférence — ce serait contre nature. Les petits vers et la conversation enjouée, tel est notre début en toute occasion. Les travaux sérieux n’en sont ni gênés ni amoindris — au contraire. Plus on cultive de genres, plus on est complet.

À l’origine des littératures on rencontre les poètes. L’homme cherche instinctivement à exprimer ses plus belles pensées dans le plus beau langage. Ainsi avons-nous fait. Le lecteur comprendra donc que l’examen de nos mœurs et coutumes, si fréquemment exposé dans ce livre, nous amène à rechercher le sentiment et la forme littéraire des anciens Canadiens.

Avec les compagnons de Champlain, les paysans de Normandie, les soldats de Carignan sont arrivés ici les couplets de la France, ces légendes rimées, ces refrains joyeux ou tristes, ces chants caractéristiques dont le pays de la vigne et de la bonne humeur conserve le privilège depuis des siècles. Nous les avons bien un peu remodelés pour les besoins d’une situation nouvelle, mais au fond ils restent français comme au premier jour. Les « voyageurs » et les « habitants » se les sont transmis d’âge en âge. Qui de nous ne les sait par cœur et quel est le poète canadien qui ne s’en soit inspiré ?

La chansonnette fut de tout temps une arme dans la bouche de nos aïeux. Or, pour chanter des couplets, il faut en premier lieu des poètes qui les composent. Le Canada n’a jamais manqué de rimeurs ; il en a produit qui, pour être inconnus aujourd’hui, n’étaient pas