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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

ouvertement en opposition au reste de la Chambre. Tout ce qui me déplaisait dans leur premier plan d’action était leur complète et silencieuse soumission à la majorité ; garder une juste mesure avec elle n’est que politique…

« Le projet d’avoir trois ou quatre conseillers choisis parmi les principaux hommes de la colonie, avec voix dans la législature et tenus d’obtenir le budget des dépenses ou de laisser leur postes vacants[1] paraît gagner rapidement du terrain. Papineau ne l’aime pas, sachant qu’il est de nature à lui mettre un frein dans la bouche, mais il m’avoua l’autre jour, qu’en face du sentiment qui existait en faveur de ce projet dans l’assemblée, et vu l’approbation du même objet parmi le parti populaire en Haut-Canada — avec lequel il désire vivement coopérer — il se sentirait disposé à ne pas insister sur l’opposition qu’il lui fait personnellement. Si les commissaires pouvaient imaginer quelque manière sûre et acceptable de réaliser ce projet, je suis persuadé qu’en cela ils contribueraient plus à faire durer les bonnes relations avec le Canada que par d’interminables investigations de détails ; mais je ne sais pas s’ils accueilleront la chose. La dernière fois que je le vis en Angleterre, lord Howick était fortement préoccupé d’une pareille mesure, et, de fait, c’est la première personne par qui j’en ai jamais entendu parler. »

Ajoutons à ces lignes si instructives les passages suivants d’une lettre que lord Gosford, retourné dans la Grande-Bretagne écrivait d’Irlande, en 1845, à M. Dominique Daly secrétaire provincial : « J’ai toujours regardé l’union des deux provinces comme une expérience dangereuse. Disons un instant que cette union était désirable, pouvait-on en ce cas choisir un plus mauvais moment et s’y prendre d’une manière plus injuste et plus arbitraire ? car, à mon avis rien n’est plus propre à perpétuer l’antagonisme et l’animosité, au lieu d’appaiser les esprits et d’éteindre les divisions, sans quoi un peuple ne saurait être heureux. Il va sans dire qu’une faction (l’oligarchie) déterminée à tout contrôler n’est satisfaite que du jour où elle absorbe le pouvoir, mais il fallait lui résister et la faire disparaître par une ferme (steady) et uniforme application des choses réglée sur les intérêts de la grande majorité du peuple. Telles sont les intentions qui m’ont toujours animé, et je n’ai rien vu qui doive en aucune façon les modifier. Je suis content d’apprendre que M. Papineau est retourné en Canada et qu’il jouit d’une bonne santé. Entre lui et moi, je ne crois pas qu’il ait eu grande différence — si toutefois il en existait — sur l’ensemble de nos vues touchant le Canada. Nous différions sur certains points, mais je n’avais pas le pouvoir de lui faire des concessions là-dessus, quoique, dans quelques cas, j’eusse été heureux de me rendre à ses désirs. Je regrette qu’il ne soit pas demeuré à Québec (au commencement des troubles). Son départ pour Montréal m’a toujours paru une démarche malheureuse, parce que l’esprit de parti et la violence y faisaient rage ; en restant à Québec quels chagrins et quelles peines n’eut-il pas évités ! Je me rappelle avec beaucoup de satisfaction la causerie que j’ai eue avec M. Papineau, dans laquelle il manifesta des sentiments et des opinions si hautement honorables pour son cœur et son intelligence. Si vous le voyez, veuillez lui présenter mes meilleurs

  1. C’est le ministère responsable de ses actions à la chambre basse, tel que nous l’avons à présent.