Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome VI, 1882.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
131
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

l’avait chargé, et qu’il n’aura pu le faire dans le temps que le sieur Pachot sera arrivé à Kaministiquoya, parce que la saison aura été trop avancée. Le sieur de Vaudreuil estime que l’absence du sieur Pachot aura mis le sieur de la Noue hors d’état d’envoyer cette année à Takamamionen,[1] mais c’est que cet officier aura trouvé le moyen d’attirer à son poste les sauvages qui ont accoutumé d’aller faire la traite à la baie d’Hudson. »

Une fois M. de la Noue installé à la baie du Tonnerre, M. de Vaudreuil se proposait de faire partir de là un officier qui se dirigerait à l’ouest jusqu’à la mer. En 1718 il avait écrit dans ce sens à la Noue, l’informant que s’il parvenait à lui envoyer de bonnes nouvelles, M. de la Morandière[2] se mettrait en route de Québec pour l’aller rejoindre et tâcher ensuite de se rendre aux limites du continent. Il faut croire que les renseignements firent défaut ou que les autorités de Québec avaient en main trop d’entreprises, car une douzaine d’années s’écoulèrent avant que l’on n’adoptât des mesures à ce sujet.

Les postes du Mississipi, des lacs et du Saint-Laurent absorbaient forcément l’attention du gouverneur et de son entourage. En 1721, il fut jugé à propos de rétablir Niagara pour mettre une barrière aux empiètements des Anglais et maintenir les rapports réguliers entre le Bas-Canada et le sud-ouest. Les établissements des Anglais et des Français se touchaient déjà en quelque sorte. Il ne restait plus de déserts ou de forêts non fréquentés à l’est du Saint-Laurent, des lacs et du Mississipi. Au nord, même situation. Avant que de s’enfoncer dans l’ouest et le nord-ouest, les Français devaient assurer leurs derrières. Les deux peuples étaient désireux de tailler le plus largement possible, chacun à son compte, dans la carte de l’Amérique. La France voulait qu’on lui reconnût le droit de planter son drapeau sur tous les territoires arrosés par les affluents du Mississipi et du Saint-Laurent, tandis que l’Angleterre s’efforçait de faire adopter en principe que l’occupation réelle et effective constituait le seul titre acceptable. Au moment où ces débats de la diplomatie avait lieu et où les Anglais argumentaient de manière à faire croire au dehors que les Canadiens s’étaient bornés jusque là à découvrir ces magnifiques territoires, la moitié de la population du Canada était répandue autour des grands lacs et sur les bords du Mississipi, ce qui paraît extraordinaire lorsque l’on compare le peu de ressources placées à notre disposition avec les moyens puissants que possédaient nos voisins. La traite avait repris vigueur après la liquidation de la monnaie de carte (1717). Un mouvement continuel se faisait sentir sur les lacs, placés entre deux colonies : le Canada et la Louisiane. À Michillimakinac, principal point de repère de cette longue suite de stations et de voies navigables, il y avait, durant certains mois de l’année, autant de monde qu’à Montréal. Nous nous portions alors vers ces contrées comme de nos jours dans les États de la Nouvelle-Angleterre. C’était la fureur du moment, la Californie des rêves, le théâtre de la nouveauté.

Depuis quarante ans la « rivière par où l’on va aux Assinipoulala, à cent vingt lieues

  1. Le lac la Pluie.
  2. Étienne Rocbert de la Morandière, marié à une Canadienne.