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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

À peine M. de la Vérendrye avait-il vécu[1] sur le seuil de la contrée inconnue qui appelait l’attention de plusieurs hommes éminents, que son esprit actif et observateur lui avait fourni les moyens de l’étudier. À mesure que lui parvinrent de nouvelles lumières, il sentit grandir en lui la détermination de risquer son avenir à la découverte des terres de l’occident. Au commencement de l’été de 1727, après avoir dressé sous forme de mémoires les notes qu’il avait recueillies en questionnant les sauvages, il résolut de se mettre à l’œuvre et pour cet effet, descendit à Michillimakinac, où, par une coïncidence heureuse, il se rencontra avec le père Flavien de Gonor, jésuite, de retour du pays des Sioux, qui cherchait un plan d’opération pratique et peu coûteux pour se rendre à la mer de l’ouest. La Vérendrye possédait les renseignements désirés : le père Gonor pouvait trouver des protecteurs. Tous deux échangèrent leurs vues. Ils se complétaient l’un l’autre. La Vérendrye confia son mémoire au père et ils se séparèrent. Le 11 août 1728, M. de Beauharnois écrivit au ministre : « M. de la Périère et le révérend père de Gonor sont arrivés à Montréal, venant des Sioux. » Ils ont passé, ajouta-t-il, chez les Renards, fort tranquilles dans leur village. Le gouverneur attend le père à Québec pour avoir des nouvelles de son voyage. La Périère a été très malade et n’est pas encore en état de descendre à Québec.

Revoyons les affaires du pays des Sioux, car elles ont eu une grande influence dans la décision qui ensuite fut prise d’adopter la route du nord proposée par M. de la Vérendrye. Après l’insuccès de l’expédition contre les Renards, en 1728, M. de Ligneris[2] dépêcha sept Français et deux Folles-Avoines (gens du côté sud-ouest de la baie Verte) vers Pierre Boucher de Boucherville, au fort Beauharnois du lac Pépin, pour lui donner avis de ce qui s’était passé et afin qu’il prît des mesures pour la sûreté des personnes placées sous ses ordres. On espérait aussi qu’il engagerait les Sioux à refuser leur protection aux Renards. Les envoyés rencontrèrent M. de Boucherville le 7 septembre 1728. Deux jours après, celui-ci fit partir six hommes, pour conduire chez les Sioux du saut Saint-Antoine, les deux Folles-Avoines chargés d’exhorter les Sioux à se déclarer contre les Renards ou tout au moins leur refuser un asile sur leurs terres. Nous empruntons ces détails et ceux qui vont suivre à la « Relation » de M. de Boucherville.[3]

« Ces députés revinrent au fort, quelques jours après, assez mécontents de leurs négociations. Les Sioux, après avoir reçu leurs présents et les avoir amusés par de belles promesses, laissèrent bientôt entrevoir qu’ils avaient le cœur renard. Néanmoins Ouacautapé les vint reconduire et m’assura que jamais les Renards n’obtiendraient une retraite chez les Sioux. Mais voyant qu’on ne pouvait sagement se fier à ces peuples volages, j’assemblai, le 18 septembre, tous nos Français, pour prendre une dernière résolution. Tous convinrent que le poste n’était plus tenable ; que les vins qui nous restaient ne pouvaient suffire à notre

  1. De l’été de 1727 à l’été de 1728.
  2. En 1727, les officiers dont les noms suivent commandaient dans les pays d’en haut : La Gorgendière à Témiscamingue ; Tonty au lac Érié ; Dubuisson aux Miamis ; Amariton à la baie des Puants ; Ligneris à Michillimakinac ; Godefroy de Lintot au lac Supérieur de Verchères chez les Sioux ; Saint-Ours d’Eschaillons à Kaministigoya.
  3. Publiée dans la Bibliothèque Canadienne de Bibaud, année 1826.