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HISTORIETTES ET FANTAISIES

Mais, s’écrie-t-on, le Chinois vit trop économiquement : il se contente d’un salaire beaucoup moindre que celui des blancs.

Alors, c’est nous qui sommes dans le tort. Nous dépensons trop ; nous avons des exigences ruineuses.

Oui, c’est cela, la lutte va se faire entre notre civilisation et celle des races jaunes. Si l’Amérique admet ces dernières il est facile de voir que nous serons écrasés.

Tous Chinois, je vous le dis !

Un bout de comparaison. Les Sauvages qui habitaient notre Canada à l’époque de sa découverte étaient clairsemés, attendu que les familles qui vivent de chasse demandent de vastes espaces pour s’approvisionner. Nous sommes venus nous établir au milieu d’elles, mettre leurs terres en culture et former des villes. Notre envahissement était irrésistible. L’homme rouge a reculé — il a péri. Nous nous contentons de peu d’espace mais nous sommes nombreux et le malheureux Sauvage étouffe à nos côtés.

Maintenant, c’est à notre tour de plier nos tentes ou de subir le joug. Ce que nous étions pour les nomades que nous avons supplantés, les Chinois le sont à notre égard. Exigeant moins de place, ils peuvent se grouper en plus grand nombre sur un point donné. Vivant sans luxe, ils dépensent moins que les blancs. Imbus d’une idée nationale très tenace, ils s’entr’aident partout et en toute occasion. Qu’allons-nous devenir devant ces moyens formidables ? Sera-ce le jaune ou le blanc qui l’emportera ?

Chinois ! tous Chinois, je le répète !

L’Amérique du Nord est présentement aux Anglais, aux Espagnols, aux Irlandais, aux Écossais, aux Français, aux Allemands, aux Nègres — mais nous sommes tous divisés.