Page:Sulte - Historiettes et fantaisies, 1910.djvu/40

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ne pouvait manquer de s’aggraver par une absence peut-être d’une longue durée et, en plus, l’anxiété particulière à la situation. La guerre pouvait être fatale à l’officier. Annie l’implora d’abandonner le service, parceque, dans sa douleur, elle ne calculait plus rien et proposait nettement d’adopter le moyen le plus propre à la consoler.

— Comment ! s’écria Howard, vous me conseillez une telle démarche, mais j’en mourrais de honte, savez-vous ! Ne songeons pas à cela un seul instant. À mon retour, vous oublierez tout, tout ! Nous entrerons chez nous pour ne plus nous séparer. C’est un sacrifice momentané qui s’impose à nous, ma bonne amie — nous ne pouvons être exemptés des obligations ordinaires de la vie — ma carrière me réclame en ce moment. Patience, courage, au revoir, au revoir.

— N’allez-pas croire, reprit-elle, que j’agisse ainsi par un sentiment d’égoïsme, non ! Hier encore, ma résolution était inébranlable : je devais supporter courageusement l’absence, mais aujourd’hui tout est changé, j’éprouve les étreintes d’un pressentiment funeste. Si vous partez, je ne vous reverrai plus… vivant.

La conversation roulait sur ce triste sujet, lorsque sonna l’heure de se séparer. Annie répétait avec instance que tout était fini et qu’ils ne se reverraient plus. Le capitaine domptant sa douleur, la quitta baignée de larmes et sortit la mort dans l’âme.



Là-bas sur les flots bleus de l’océan, un navire arrêté par le calme plat, se mire à la fois dans les deux abîmes qui l’enveloppent de partout : le ciel et l’eau. Il fait nuit, mais le temps est clair et la lune resplendit dans la