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L’ESPRIT FRAPPEUR


Le lendemain, monsieur le curé vint trois fois. Il ne s’était rien produit de nouveau. À voir la façon dont il branlait la tête lorsque nous abordions ce sujet, je pensais bien qu’il avait conçu des doutes, et qu’il guettait une occasion propice pour adopter une opinion là-dessus. Il avait prié, il priait chaque jour avec nous à cette intention, toutefois, il prétendait que si le bon Dieu avait voulu se servir de moyens surnaturels pour nous donner des avertissements, etc, nous saurions à cette heure ce que cela signifiait. Le bon Dieu, disait-il souvent, ne fait pas de farces ; — s’il veut communiquer avec nous par de semblables procédés, il est bien étonnant qu’il prolonge et qu’il n’en soit pas encore venu aux explications. Enfin, attendons encore, nous verrons…

Comme il parlait, le dos tourné au poêle du corridor qui chauffait à toute ardeur, et les yeux fixés sur mon chien Scapin qui reposait presqu’à ses pieds, le long de la porte du salon, comme d’habitude,… pan ! pan ! pan !… trois coups distinctement frappés dans la porte du salon nous firent bondir de stupeur.

— Ah ! ah ! ah ! fit monsieur le curé sur un ton moitié riant, moitié surpris, en voilà une bonne ! ah une bonne ! Je m’en doutais bien, mais…

Pan ! Pan ! Pan !… recommença.

Et tous nos yeux suivirent la direction de ceux du curé qui se fixaient sur mon bon chien Scapin, lequel avait relevé sa tête quelque peu et de la patte gauche de derrière se grattait le flanc avec un entrain superbe. Cette patte gauche repliée à demi formait un coude dur et ferme qui toquait d’aplomb dans la porte à chaque mouvement de la bête.

De là les coups secs, pan, pan, pan, qui nous avaient presque fait mourir de peur et dont le bruit incompréhensible avait tant occupé le public.