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HISTORIETTES ET FANTAISIES

partie à son garçon, Joseph-Marie, noyé l’année dernière pour avoir trop présumé de sa résistance à la fatigue.

Le grand-père Rouillard s’attelait un jour sur un « bateau de roi », et le montait sur la grève, mais voyant qu’on lui marchandait son salaire, il repoussait le bateau au fleuve — ce que dix hommes n’eussent pas été capable d’exécuter. C’est le même qui, d’un coup de poing, tuait raide un soldat anglais, au milieu d’une cinquantaine de ses camarades insurgés contre leur commandant.

Et Cadet Blondin ! qui portait la charge de trois hommes dans les portages. En voilà un voyageur ! Vers 1820, alors que les compagnies du Nord-Ouest et de la Baie d’Hudson étaient en guerre, il chercha refuge, par un soir de tempête, dans un poste de la compagnie rivale. Personne ne le connaissait en cet endroit, mais on voyait bien à ses allures qu’il n’était pas de la « compagnie ». Un quolibet n’attendait pas l’autre. Cadet se brûlait les sangs. Après avoir fumé la pipe, quelqu’un lui demanda de prendre un petit baril qui se trouvait dans un coin et de le lui passer. Il voulut faire la chose poliment, mais bernique ! l’objet lui glissa entre les doigts. Et les compagnons de rire aux éclats. C’était mettre le feu à la poudre. La poudre c’était Blondin. Quant au baril, il était rempli de balles. En deux secondes, l’hercule se baissa, enleva le malencontreux paquet et le lança contre le pilier qui supportait la toiture. Tout croula comme si une bombe y passait. « Et maintenant, dit-il, couchez dehors ; mon nom est Cadet Blondin. »

Les anciens m’ont raconté que, durant la guerre de 1812, un détachement des artilleurs royaux passant à Yamachiche, y avait fait halte pour souper. C’était l’hiver. Sur des traîneaux on avait placé les bouches à