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Te souvient-il encor de ces guerriers gaulois
Qui foulèrent ton sol, luxuriante Asie ?
Mais qui sans s’enivrer de tes flots d’ambroisie,
Dans leur ardeur sauvage écrasant tes soldats,
Déposaient à leur gré tes lâches potentats1 ?
Cependant, ressemblant à la mer furieuse
Qui déchire, engloutit, puis se retire houleuse,
Et qui même revient caresser mollement
Les bords que sa fureur frappa si rudement ;
On vit tous ces guerriers couverts d’or et de gloire,
Les uns, exempts d’orgueil, au champ de leur victoire
Rester obscurs gardiens des rois qu’ils avaient faits ;
Les autres, désireux de dire leurs hauts faits
À leurs amis restés dans la Gaule adorée,
Abandonner en foule une riche contrée
Où l’or, les diamants, et les fruits, et les fleurs,
Pullulaient sous les pas des dédaigneux vainqueurs.
Ah ! c’est qu’en ce temps-là, la Gaule était si belle
Que son souvenir seul les ramenait vers elle !
Fleuves sans pont ni digue, où roulent des débris
Que l’eau du ciel poussa, des plaines dans leurs lits ;
Forêts vierges encor, qui bruissent sans cesse ;
Côteaux, prés verdoyants où le bétail s’engraisse,
Jonchés d’arbres brisés par la foudre ou les vents ;