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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/111

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C’est qu’alors le torrent avait atteint la pente limite, et la plus petite cause suffisait pour rendre son lit stable.

La plupart de ces ponts sont construits en bois. Ce mode de construction, quoique moins durable, présente pourtant quelques avantages. D’abord il est économique. Ensuite il permet de donner au débouché la plus grande section possible : dans cet esprit, on a toujours évité, autant que possible, l’emploi des contrefriches ; et quelquefois, lorsqu’il était impossible de ne pas y recourir, on les a dressées au-dessus du tablier, suivant le système usité dans la Suisse[1]. — Comme un tablier en bois présente peu de résistance à un choc latéral, s’il survient une crue extraordinaire, dans laquelle les eaux se précipitent sur le pont en forme d’avalanche, la charpente sera de suite balayée, et les culées demeureront découvertes : le torrent, trouvant alors un passage libre, s’écoulera avec plus de facilité, et la masse principale du pont sera sauvée. Il y a bon nombre d’exemples de ponts qui ont ainsi résisté aux crues les plus furieuses, grâce à la facilité avec laquelle leur tablier a été tout d’abord emporté, laissant derrière lui un débouché affranchi de tout obstacle et d’une section indéfinie dans le sens de la hauteur. — On peut aussi, toutes les fois qu’on prévoit une crue, démonter le tablier et le déposer en un lieu sûr[2]. On est assuré alors de sauver la charpente, et on a une grande probabilité de sauver la maçonnerie, qui est la partie du pont la plus coûteuse.

Le climat des Hautes-Alpes est très-conservateur. Le mélèze, qui est ici le bois de construction le plus usité, est un bon bois qui n’a qu’un seul défaut, celui de se tourmenter pendant de longues années. La charpente des ponts dure ordinairement quinze ans ; mais la durée serait certainement double, si on avait toujours pris les soins que réclame leur conservation.

Un motif a contribué à rendre les ponts en charpente encore plus fréquents : c’est l’incertitude oû l’on est si le pont nouvellement établi résistera au torrent. Dans ce doute, il vaut mieux le faire en charpente, parce qu’on hasarde une moindre dépense. Ceci m’amène à parler de la

  1. Pont du Vivas ; — plusieurs ponts dans le Queyras ; — plusieurs ponts dans les Basses-Alpes.
  2. Pont de Chagne, en 1838.