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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/151

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3o Enfin, une période de régime, où les eaux débordent et rentrent dans un lit invariable.

— On a vu quelle est la violence des torrents dans la première période. Il a dû en être de même dans la première période des rivières, et cette analogie peut servir à expliquer la formation de ces dépôts alluviens répandus en si forte masse dans la plupart des grandes vallées. — S’il est vrai que les montagnes aient été soulevées successivement, au milieu de bouleversements dont rien ne peut nous donner l’idée, les eaux ont nécessairement trouvé dans ce chaos la matière d’alluvions énormes. — Les rivières agissaient alors comme nos torrents, mais comme des torrents qui avaient pour bassin de réception des chaînes entières de montagnes, et qui se précipitaient à travers un sol fraîchement remué et tout autrement affouillable que celui de nos coteaux des Alpes.

— On a fait beaucoup d’hypothèses pour expliquer l’origine des poudingues alpins. On rencontre le long de la Durance de ces bancs qui s’élèvent à plus de 100 mètres au-dessus du niveau actuel des eaux[1]. Cependant les déjections des torrents éteints sont, relativement aux chétifs filets qui les creusent aujourd’hui, des atterrissements beaucoup plus surprenants encore, et en apparence plus inexplicables. Nous sommes pourtant bien assurés qu’ils sont l’ouvrage de ces filets dans la première période de leur action. — Pourquoi ne le serions-nous pas de même que les poudingues sont l’ouvrage des rivières, dans une période en tout point semblable ?…

J’indique toutes ces choses en courant, n’osant pas m’arrêter à les développer et à les suivre ; ce qui m’emporterait trop loin de mon sujet. Chacun peut comprendre du reste qu’une masse d’eau roulant sur le sol, doit avoir la même façon d’agir, et obéir aux mêmes lois, soit qu’elle forme un torrent, soit qu’elle constitue une grande rivière. Or, comme nous voyons se créer devant nous le lit des torrents, nous pouvons augurer que le lit des rivières a été créé de la même manière. — Et cette présomption est ensuite confirmée par l’étude directe de ces rivières, qui

  1. Embrun et Mont-Dauphin sont bâtis sur ces poudingues, qui forment des falaises à pic. Voyez sur ces dépôts les recherches de M. Élie de Beaumont, Annales des sciences naturelles, 1829 et 1830.