rain s’ouvre en amphithéâtre. Il forme une sorte d’entonnoir, béant vers le ciel, qui reçoit sur une vaste surface les eaux des pluies, des neiges et des orages, et les précipite rapidement dans la gorge.
Un autre fait non moins remarquable, c’est la multitude de ces torrents dans les Hautes-Alpes. Il ne s’agit pas ici d’expliquer quelques anomalies. Il s’agit d’un ordre de faits qui se reproduit à tous les pas, avec des caractères toujours constants, et dont la cause doit être générale et inhérente à la constitution même de ces montagnes. Lorsqu’on marche de Gap vers Embrun, en suivant la route royale no 94, plus du quart du trajet se fait sur les lits mêmes des torrents. On les aperçoit disséminés par tout le pays, inondant toutes les vallées, sillonnant tous les revers. — De là, cet air de désolation particulier à la contrée, et qui frappe tout d’abord les étrangers, quand ils parcourent pour la première fois ces montagnes.
Cette multiplicité de torrents est pour ce département le plus cruel des fléaux. Attachés comme une lèpre au sol de ses montagnes, ils en rongent les flancs, et dégorgent dans les plaines des monceaux de débris. C’est ainsi qu’ils ont créé, par une longue suite d’entassements, ces lits monstrueux, qui s’accroissent toujours, et menacent de tout envahir. Ils vouent à la stérilité tout le sol qu’ils tiennent enseveli sous leurs dépôts. Ils engloutissent chaque année quelques propriétés nouvelles. Ils interceptent les communications, et empêchent d’établir un bon système de routes.
Ces ravages sont d’autant plus déplorables qu’ils se consomment dans un pays très-pauvre, sans industrie, où les terres cultivables