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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/189

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droits de la propriété. Ils portent en eux quelque chose de rétroactif, puisqu’ils imposent des sujétions nouvelles à des terrains qui ont clé achetés ou défrichés, sous un régime affranchi de toute espèce de servitude de ce genre. — Mais c’est là ce que présentent un grand nombre de mesures, dirigées vers un but d’utilité publique. La loi des forêts, celle de la plantation des tabacs ne portent-elles pas aussi atteinte à la propriété ? Ici, dans l’intérêt public, certaines cultures sont imposées à certaines propriétés. Là, dans l’intérêt tout à fait restreint du trésor, certaines cultures sont interdites à d’autres propriétés. — Ne viole-t-il pas la propriété, ce droit donné aux entrepreneurs des travaux publics, d’ouvrir des carrières dans les héritages non clos ? Ne la viole-l-elle pas aussi, cette sujétion imposée aux bois riverains du Rhin, de fournir des fascines aux travaux de défense établis sur ce fleuve[1] ?

Ces règlements ont encore un antécédent dans la loi rapportée par Fabre et citée plus haut (chap. 29). — Ils ont un antécédent dans le pays même, et qui se justifiait aussi par des motifs d’utilité générale. Je veux parler de ce décret qui place les torrents sous un régime particulier, et qui impose aux riverains des charges et des sujétions auxquelles les lois générales ne les soumettaient pas, puisque ces cours d’eau ne sont pas navigables ni flottables.

On le voit bien par tout ce qui précède ; ce département ne ressemble à aucun autre. Son sol, son climat tout exceptionnels, réclament des règlements exceptionnels, qui ne peuvent pas être ceux qui régissent les ferres plates du reste de la France, et sans lesquels la centralisation lui devient un douloureux lit de Procuste. Il ne souffre déjà que trop de ces lois générales qui conviennent à toute la France et qui ne lui conviennent pas.

Les forêts, à leur tour, auraient besoin de quelques dispositions nouvelles : elles se résument toutes à donner à l’administration des moyens d’agir plus puissants, fussent-ils même au-dessus des mesures communes. Il ne faut pas l’oublier ; les bois ont ici une destination tout autrement grave que dans les autres parties de la France. Là, il suffit qu’ils fournissent à la consommation quotidienne de la population répandue sur le sol à l’entour d’eux. Ici, il faut qu’ils conservent ce sol lui-même ; ils en

  1. Code forestier, art. 136 et suivants.