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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/242

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nent alors à la recherche de la moindre touffe d’herbe, de la plus maigre broussaille, de la plus chétive plante rachitique qui a pu se faire jour, et qu’elles broutent jusque dans la racine, détruisant à la fois la récolte et le fonds. Si ces terrains étaient livrés pendant quelques années au repos, la végétation y renaîtrait, et l’on pourrait ensuite y lâcher des troupeaux considérables, qui y trouveraient une ample subsistance, en n’enlevant chaque année que le produit de chaque année. Il n’est pas douteux qu’à l’aide de ces interdictions, le pays ne puisse devenir capable de nourrir, au bout de peu de temps, et sans qu’il en résultât le plus petit inconvénient, une masse de bestiaux bien supérieure à celle qu’il n’entretient aujourd’hui qu’aux dépens de son sol et de son avenir.

Donc, en restreignant pendant quelques années le nombre des bestiaux, on se prépare les moyens de l’augmenter dans la suite, et cette mesure, loin de diminuer les troupeaux, tend à les accroître. — Qu’arriverait-il au contraire, si, reculant devant la crainte de ces restrictions temporaires, on laissait aller les choses comme elles vont ? Le gazon disparaîtrait insensiblement ; les pacages deviendraient de plus en plus rares et maigres ; et le nombre des moutons, diminuant chaque année en raison de la diminution des pacages, finirait par se réduire à un chiffre à peu près aussi insignifiant que zéro. Je ne fais pas là de prophétie hasardée, puisque les statistiques ont déjà révélé le fait de cette diminution dans plusieurs parties de ces montagnes.

Celui donc qui, pour repousser tout règlement dans le dénombrement et dans les pacages des troupeaux, ferait valoir l’importance de cette branche de revenu pour le pays, celui-là serait forcé plus que tout autre d’accepter ces règlements, dans l’intérêt même de la conservation du bétail, dans l’intérêt même de la cause qu’il défend, et par les motifs mêmes qu’il aurait imaginés pour la mieux soutenir.

N’a-t-on pas fait des règlements de chasse, d’une sévérité presque féodale, pour empêcher la destruction du gibier, et forcé par là la génération présente à user sobrement d’une jouissance, afin de ne pas la ravir aux générations à venir ? Or ce qu’on a mis si résolument en vigueur pour un but au fond assez peu grave, puisqu’il ne se rapporte qu’à un objet de gourmandise, n’oserait-on plus le tenter, lorsqu’il s’agit de prévenir le dépérissement des troupeaux, qui sont un aliment de première nécessité ? — Ce sont de très-graves sujets, que tous ceux qui touchent à l’alimentation du peuple, et c’est là surtout qu’il n’est plus permis de