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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/60

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droit sur le bourg. — Ce spectacle jeta la consternation dans le pays.

Voici un autre exemple, qui démontre combien ces irruptions sont soudaines.

En 1837, le village des Crottes est envahi par un petit torrent du troisième genre, qu’on n’avait jamais redouté[1]. — En un instant, les caves et les rues tortueuses du village sont inondées de boue et de blocs. Beaucoup de bestiaux sont étouffés. Plusieurs hommes échappent avec peine à la mort, et un enfant périt dans une écurie.

Je citerai encore des faits relatifs à la forme d’avalanche qu’affectent les torrents.

Au pont du petit ruisseau torrentiel de Chaumateron, en juin 1838, le cantonnier entend le bruit précurseur. Instruit du danger, il s’éloigne. Au bout de quelques pas, il voit venir le torrent qui roule sur lui-même, s’élance, comme une seule masse, au-dessus du pont, et le franchit. L’élévation du tablier au-dessus du radier était de 5 mètres.

Le village de Saint-Chaffrey est traversé par un petit torrent, dont le bassin de réception est creusé dans des gîtes de gypse[2]. Il coule sur une pente rapide, et au fond de berges solides, mais peu élevées. À chaque crue, le torrent arrive en roulant, comme une boule de 8 mètres de hauteur, et une portion de l’hémisphère apparaît au-dessus des berges. Il est formé de liquide épaissi par le gypse, et traîne à sa suite un grand courant d’eau, qui s’écoule avec violence, mais suivant les lois ordinaires.

Je m’arrête à ces exemples : on les multiplierait indéfiniment, car ils se renouvellent chaque année.

Il y a donc dans les débordements des torrents, une action semblable à celle des avalanches. Les habitants la désignent par ce terme : ce n’est pas seulement une image ; il y a réellement identité dans les causes, comme il y a similitude dans les effets. — Quand une grande masse d’eau se concentre subitement dans le goulot d’un bassin de réception, posée sur une pente très-rapide et resserrée dans une gorge profonde, cette masse ne s’écoule plus suivant les règles paisibles de l’hydrostatique. Elle s’élève de suite jusqu’à une grande hauteur, roule sur elle-même, et descend ainsi la gorge avec une vitesse excessive, bien supérieure à celle du courant

  1. Torrent des Graves.
  2. Torrent de Saint-Joseph.