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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/93

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lie qu’il fait dans le lit[1]. Or, pour être efficace ici, il faudrait qu’elle eût toute cette portée. — Je sais bien qu’on ferait disparaître une partie de cet inconvénient, en rapprochant les épis ; mais alors on les multiplie ; c’en est fait de l’économie que présentait le nouveau système, et on lui enlève le plus certain de ses avantages. — De pareils exemples se sont présentés sur la Durance, dans plusieurs digues construites suivant le même esprit, et notamment dans celles que M. Fiard lui-même fit élever à la Saulce, et dont celle qui nous occupe paraît n’être qu’une imitation. — À mesure qu’on a reconnu que les petits épis étaient insuffisants, on les a multipliés ; et la dépense finalement a dû se trouver au moins égale à celle qu’aurait occasionnée une digue continue avec enrochement.

On pourrait contester encore la bonté de quelques détails d’exécution.

Par exemple, on peut douter que les plantations dans les joints du perré contribuent puissamment à fortifier l’ouvrage. — Beaucoup d’exemples attestent, tout au contraire, que les forces de la végétation détruisent plutôt les ouvrages des hommes qu’ils ne les consolident ; témoin la plupart des ruines, témoin la dégradation rapide des pavés, quand une fois les graminées se sont fait jour entre les pierres. — Les plantations ne sont véritablement bonnes que dans les ouvrages irréguliers, qui doivent résister par leur masse, et ne sont assujettis, ni à un appareil, ni à une forme rigoureusement déterminée. Telle serait une levée en gravier ; tels sont encore les enrochements. Dans un perré, l’effort des racines tend à disjoindre et à déjeter les pierres, et par conséquent à ruiner l’ouvrage, car les pierres ne tiennent entre elles que par leur agencement.

Les plantations dans les joints d’un perré ont encore un autre inconvénient. Elles retardent les eaux et les empêchent de glisser sur la surface lisse de l’appareil ; elles augmentent donc les forces de frottement, et partant, les causes de dégradation.

En résumé, la grande, l’unique difficulté de l’encaissement des torrents est dans l’impossibilité où l’on est de remédier à la formation des dépôts ; le nouveau genre de construction ne soulève pas ce voile. Considéré de ce point de vue, il est donc bien loin du véritable problème. C’est un profil de digue substitué à un autre profil. Il réus-

  1. On admet généralement qu’un épi, placé dans les circonstances les plus favorables, ne protège plus la rive au delà d’une longueur égale à cinq fois la saillie qu’il fait dans le lit.