Aller au contenu

Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui est à peu près la seule à considérer, tant elle est importante, tant elle plane haut au-dessus de toutes les autres. Cette condition unique, c’est que le torrent, une fois encaissé dans le chenal, n’exhausse pas. — En effet, nous sommes ici sur les lits de déjection où le torrent arrive gorgé de matières, où les pentes cessent d’être excessives, et partant, où il sera toujours possible de résister à l’affouillement. L’exhaussement serait au contraire un mal sans remède, auquel on ne pourrait appliquer que des tempéraments provisoires, qui le retardent, mais ne l’arrêtent pas. Ainsi l’affouillement est la circonstance la plus heureuse qui puisse se présenter, et, loin de le redouter, il faut le provoquer par tous les moyens possibles.

Pour déterminer la section d’après ces principes, on voit qu’il est surtout essentiel de ne pas lui donner trop de largeur[1]. Dans une section trop large, il y aurait un double mal : le torrent y déposerait : ensuite, il y divaguerait, en frappant d’une digue à l’autre ; c’est-à-dire qu’il surmonterait ses digues, en même temps qu’il les ruinerait par le choc de ses eaux. — Il ne faut pas espérer que l’on trouvera dans le calcul un secours pour fixer les éléments de la section. Le calcul, qui s’applique avec précision à l’écoulement tranquille des canaux, deviendrait ici la source d’énormes erreurs. Si l’on se reporte à la description des crues (chap. 8), à celle des lits de déjection (chap. 4), etc., etc., on doit bien voir que ce ne sont pas là les phénomènes des eaux courantes, dont l’observation a servi à fonder les formules du calcul et à les vérifier.

Il n’y a rien de mieux à faire, pour déterminer ces éléments, que de remonter le torrent jusqu’à son canal d’écoulement, d’y relever des profils en travers et de les comparer entre eux. On formera ainsi une section

  1. La même remarque a été dite par M. de Montluisant dans son Mémoire sur les endiguements (Annales des ponts et chaussées, tome VIII, page 287). « L’aspect effrayant du lit des torrents ne doit pas faire préjuger un volume d’eau trop considérable en rapport avec la vaste étendue des terrains submergés. Il faut jauger le volume d’eau aussi bien que possible, et ne pas craindre ensuite de réduire le nouveau lit, s’il doit être encaissé, à la faible largeur nécessaire pour le débit des plus grandes eaux. La détermination de cette largeur demande de longs détails… Il nous suffira de dire, comme résultat d’une longue expérience, qu’une trop grande largeur a les plus graves inconvénients, et que l’endiguement des torrents est soumis à de nombreuses considérations, importantes et délicates, qui méritent toute l’attention des ingénieurs. »