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À SUSE.

celles de l’apadâna, mais beaucoup plus petite. Elle a glissé dans les marécages du Chaour.

Si le tumulus d’où elle provient recèle quelques vestiges d’édifices, l’humidité doit en avoir rendu bon compte. D’ailleurs, la nécessité de traverser une eau profonde sans pont ni bateau ne nous encourage pas à tenter fortune. Il faudra trouver mieux.

Grand Dieu ! Des bras s’agitent sur la crête du tumulus. À qui s’adressent ces bruyants appels ? Les Arabes pillent-ils le camp ? Sommes-nous tombés dans un piège ? Les nomades ont-ils voulu séparer les membres si peu nombreux de la mission ? On crie, mais la poudre se tait ; nos jeunes camarades ne se laisseraient pas tuer sans protester !

Nous prenons le pas gymnastique et gravissons tout d’une haleine les pentes abruptes du tumulus. Je reconnais alors M. Houssay, dont la silhouette noire se profile sur l’azur du ciel.

« Qu’y a-t-il ?

— Venez, venez ! On trouve des faïences ! Cinq corbeilles de briques émaillées ont été portées devant votre tente ! »

Soigneusement rangés dans ces couffes de sparterie qui servent à évacuer les terres lorsque le jet de pelle devient insuffisant, s’étalent des blocs siliceux pareils à celui que nous avons découvert ces jours derniers. Voici des palmettes blanches reliées par un ruban jaune, des denticules bleus et verts, puis des émaux en relief, rehaussés de couleurs qu’avive un fond turquoise morte.

Le cœur bien ému, nous courons à la tranchée ; sur toute sa longueur apparaît le dallage de la cour. Seule une masse compacte, qu’on dut toujours attaquer à la pioche, fait saillie en travers de l’excavation. Elle forme un cavalier large de quatre mètres, haut de soixante-dix centimètres, enfoncé de plus de cinquante dans le carrelage qui s’est écrasé et a rejailli sous le poids.

Mêlés à une terre dure, on distingue, stratifiés, des matériaux de nature différente. D’abord se présentent des briques de terre cuite. Sur la tranche de quelques-unes je crois reconnaître la corne striée d’un animal de grande taille et une patte pourvue de griffes. D’autres, mais fort rares, sont couvertes d’un émail friable qui se détache et tombe en poussière. Le dessin, cerné dans une cloison, demeure incompréhensible. Sont-ce des fleurs, sont-ce des animaux qui renaissent sous mes yeux ? À quelle loi décadente obéit cette flore ou cette faune fantastique ? Aucune suite dans les tracés, aucune symétrie dans les formes. Les fragments de bas-reliefs sont employés comme de vulgaires moellons.

Derrière la première couche je distingue, régulièrement alignés, des blocs de faïence grossière, longs de trente-six centimètres, épais et larges de dix-huit. Des fissures invisibles divisent ces matériaux : lorsqu’on les touche, ils se brisent et