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VOYAGE À DIZFOUL.

« Je ne suis pas votre ami, riposta notre ambassadeur. M. Dieulafoy vous a demandé une partie des fonds de la mission ; vous avez fait battre son envoyé et confisqué son reçu. Ce n’est plus deux mille krans, mais six que j’exige sans délai. Si vous ne les versez pas, j’ai l’ordre de gagner Bouroudjerd et de me mettre en communication télégraphique avec Téhéran.

— Calmez-vous, hakim bachy (médecin en chef), les caisses sont vides, les Arabes intraitables, mais je vais emprunter quelques tomans. » Et plusieurs ferrachs partirent pour réclamer l’argent de l’État, que le sous-gouverneur prête à la petite semaine persane.

La paix cimentée, apparurent le samovar, le kalyan, et l’on fuma jusqu’au coucher du soleil, en compagnie d’une vingtaine de négociants requis d’apporter, qui cinq cents, qui trois cents krans.

La somme parfaite, Mirza Abdoul-Raïm se préposa lui-même au soin du contrôle et confisqua une centaine de pièces, à compte sur son futur traitement. Puis, se sentant désormais plus riche que le chef des quarante voleurs, il annonça d’un petit air délibéré qu’il éprouvait le désir d’aller au hammam et s’attarderait à Dizfoul pendant quelques jours.

Le hakim bachy, sachant dans quelle inquiétude il nous avait laissés, repartit avec Mçaoud. À la tombée de la nuit, il voyait déjà poindre nos tentes blanches et l'arbre de la plaine, lorsqu’il craignit d’avoir à défendre sa vie et ses krans contre cinq ou six cavaliers de mauvaise mine.

« Salam aleikoum !

Aleikoum salam ! »

Et les Arabes s’écartèrent sans lui chercher noise.

M. Houssay rapporte une singulière nouvelle : le dernier courrier, confié aux bons soins du mirza, aurait été décacheté et lu par Moustapha Khan, médecin, conseiller intime, interprète et chef du cabinet noir de Mozaffer el Molk. Il tient ce renseignement du fils aîné de Cheikh Taher.

Après la fermeture des chantiers, M. Babin liquida nos dettes. Entrepreneurs et ouvriers acceptèrent leur salaire sans compter. On ne saurait croire combien la confiance du peuple persan se conquiert aisément ; durant trois semaines aucune tentative de tromperie n’a été relevée contre nous, et les ouvriers s’en rapportent déjà à notre probité.

3 avril. — Autres gens, autres mœurs. Marcel fit réclamer les cent dix krans empruntés à M. Houssay par le mirza.

« Voici dix krans ; c’est-il assez ? répondit le colonel. On me doit encore vingt chaïs pour avoir fait paître aux chevaux l’herbe qui croît sur les terrasses du palais. »