Page:Susejournaldes00dieu.djvu/273

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
257
INSTALLATION DU CAMP.

et la découvraient tour à tour, l’ouragan grondait au-dessus de nos têtes. Dès l’aube naissante nul ne se fit prier pour abandonner l’auberge du bon Dieu. Le passage du Chaour s’est effectué sans autre accident que le vol d’un coffre contenant les outils de Jean-Marie.

Quels étaient les coupables ? Sans doute les gardeurs de buffles qui nous entouraient. Sous menace de tuer deux de leurs bêtes, ils restituèrent la caisse cachée dans les roseaux.

C’était le dernier épisode du voyage.

Bientôt nous avons atteint le frayé de Dizfoul. Informés de notre présence sur la rive droite de la Kerkha, nos meilleurs ouvriers étaient accourus au-devant de nous.

Ousta Hassan, Dor Ali son compère, les fils du motavelli, puis Mahady, Reza, Hassan, Mollah Ali, Baker et tutti quanti s’avancent joyeux. Ils baisent nos vêtements, s’accrochent aux selles et font route en jacassant comme des pies. Le retour des Faranguis prend les proportions d’une marche triomphale.

Salut au Gabr ! Salut à mes chers tumulus !

Du tombeau de Daniel s’élancent les pâtres ; ils apportent les tentes confiées à la garde du motavelli. Bientôt se dressent ces blanches habitations : nous voici chez nous !

« Saheb, acceptez ces francolins tués à votre intention ! — Khanoum, voici le premier-né de mon troupeau ! — Hakem koutchek, je vous apporte votre timbale qu’on vous vola l’année dernière. — Hakim bachy, goûtez ce lait délicieux ! » Personne n’est oublié.

Le sommeil vient vite lorsque, après une abstinence prolongée, on peut se rassasier. « Dormez en paix, a dit Ousta Hassan, les ouvriers se relayeront pour monter la garde autour de vos tentes. »

Je m’assoupissais. Une image bien inattendue ressuscite dans mon cerveau à demi égaré. C’est celle d’une étrangère qui, peu avant mon départ de Paris, demanda à m’être présentée ; l’apparition se dessine avec une étonnante précision : je vois des traits rajeunis avec art, une chevelure rutilante, des plis savants drapés sur une tournure élégante ; j’entends encore le compliment que m’adressa, d’une voix dorée, ma charmante interlocutrice.

« Votre séjour en Perse, me dit-elle, n’est pas seulement utile à la France scientifique ; le commerce et les industries parisiennes doivent bénéficier de votre présence dans ces contrées lointaines. Vous avez, j’imagine, étalé aux yeux éblouis des dames persanes ou arabes les élégantes conceptions des couturiers en renom et toutes, à l’envi, vous ont demandé l’adresse des meilleurs fournisseurs ? »

Franchissez trois fois en moins d’une année la Méditerranée, la mer Rouge, l’océan Indien, le golfe Persique et les déserts d’Élam ; passez des semaines