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ÉMAUX.

Nous allons emballer d’abord les objets provenant des dernières fouilles : urnes funéraires, base de colonne, émaux et bas-reliefs de terre cuite.

Ce travail achevé, Jean-Marie et ses acolytes gagneront la jungle voisine de la Kerkha, couperont des buissons noueux et procéderont à la confection des coffres de charpente destinés aux taureaux.

20 décembre. — Marcel avait bien raison de penser à la confection des caisses avant de donner un coup de pioche. Depuis hier les briques émaillées réapparaissent sur le prolongement de la tranchée des lions. L’étrange position des pièces ne facilitera pas leur extraction. Ici la pioche rencontre des denticules ou des palmettes, là des reliefs provenant du corps de l’animal, plus loin un fragment de crinière, une patte, un œil. C’est un fouillis indescriptible.

Le bas-relief et ses frises découverts pendant la campagne précédente étaient tombés sur le carrelage en gardant une certaine cohésion, tandis que l’extrémité du pylône aurait tournoyé avant de s’abattre dans un conglomérat désordonné, longtemps utilisé comme carrière.

Il est impossible de déblayer avec méthode ces amas de matériaux enchevêtrés au point qu’on ne peut les séparer sans démolir l’ensemble du tas. Deux jours ont été perdus en tentatives vaines. Faute de pouvoir mieux faire, je dégage les fragments au couteau et j’envoie le tout au camp. Le croquis du lion déjà ressuscité permettra sans doute de remettre chaque morceau à sa place. Passe encore pour les frises : leur dessin est invariable. Le mal est que les reliefs, coulés pourtant dans un moule uniforme, ne présentent pas les mêmes couleurs. Nous savions qu’un lion à crinière fauve précédait ou faisait suite à notre premier enfant encapuchonné dans une belle palatine verte ; mais, complications inattendues, une patte apparue ce matin donne vert un muscle que le fauve portait jaune ; voici les cuisses et la mâchoire d’un lion marchant en sens contraire de ses frères.

La robe de l’animal est toujours blanche, les fonds du bas-relief toujours turquoise morte ; les couleurs de la musculature et de la crinière se modifient seules. L’émail paraît avoir souffert. Quand je soulève un fragment, j’aperçois, sur les décombres avec lesquels il était en intime contact, une fine pellicule infidèle à la faïence qu’elle recouvrait jadis ; parfois la glaçure désagrégée, mais encore adhérente, se détache au premier lavage. On ne saurait pourtant emballer les pièces sans enlever la terre et les gros mortiers, qui formeraient émeri et risqueraient de tout détruire. Les bleus turquoise des fonds l’emportent en fragilité sur les autres couleurs ; néanmoins, sous la vitrification disparue, la faïence garde, dans une gamme rompue, sa couleur primitive.

Il n’en était pas de même des terres émaillées découvertes pendant la