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À SUSE.

de détacher les plis des draperies, ils agirent et procédèrent, semble-t-il, comme les modeleurs perses. Cette analogie n’est pas fortuite, étant donné que l’art de Persépolis et celui de Suse sont nés au lendemain de l’entrée des armées iraniennes en Ionie et en Hellade ; mais elle est des plus instructives, car les formules empruntées à l’étranger par les Achéménides se figèrent dans des moules hiératiques le jour où elles furent acquises à l’art national.

Hérodote en main, nous avons suivi la nomenclature des troupes qui passèrent l’Hellespont sous les yeux de Xerxès, et, cette lecture faite, trois détails du costume de nos guerriers nous ont frappés : la couronne, les bijoux d’or et, surtout, la grenade d’argent qui termine la javeline.

C’étaient, au dire de l’auteur grec, les trois insignes distinctifs des dix mille Immortels, gardes des Grands Rois. On les qualifiait d’Immortels parce qu’ils n’étaient jamais plus, jamais moins de dix mille, et qu’un immortel disparu était sur-le-champ remplacé par un autre immortel.

Les Quarante n’ont pas trouvé mieux.

Déjà nous avions fait connaissance avec ces guerriers célèbres, à Persépolis et au tombeau de Darius. Mais là-bas leur couronne était métallique et de forme droite.

Des différences plus importantes que cette légère modification de la coiffure devaient cependant exister entre les archers de Suse et ceux de Persépolis. Ceux-ci étaient Aryens et de race blanche ; ceux-là sont noirs, comme les archers que Memnon, fils de l’Aurore, amena au secours de Priam.

Les intéressantes études anthropologiques de M. Houssay sur les squelettes découverts dans les urnes funéraires et les mensurations des habitants actuels de la Susiane concluent à l’existence d’une ancienne race négrito en Élam. Nos Immortels appartiendraient au contingent susien des gardes royaux. La pensée nous était tout d’abord venue que les enlumineurs perses, à l’exemple des Grecs, avaient pu brunir intentionnellement la peau des guerriers, pour blanchir par contraste celle des femmes ; mais une main moulée dans le même creux que les mains noires, tenant comme elle la javeline, et pourtant couverte d’un bel émail blanc, réfute sans longs discours cette hypothèse séduisante.

Quoi qu’il en soit de leur race, nos Immortels apparaissent beaux de lignes, beaux de formes, beaux de couleur, et constituent une œuvre céramique infiniment supérieure aux bas-reliefs si justement célèbres de Lucca della Robbia.

Et cependant les matériaux mis à la disposition de l’artiste sont des plus vulgaires : comme support, une faïence grossière, moulée dans de bons creux et sans doute retouchée à l’ébauchoir ; comme palette, le bleu turquoise, le manganèse, le jaune, le blanc et une pointe de pourpre.

Soyez artiste, vibrez au souffle du divin Apollon, ces moyens restreints vous