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Page:Suzanne de Callias La malle au camphre 1919.djvu/107

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quai de Bercy encombré de futailles, l’arche du pont Saint-Michel, vue par en dessous, un coin de la rue Galande, et la rue Lepic au coin du boulevard de Clichy, avec quelques silhouettes de filles, d’une brutalité soigneusement cherchée. Elles ne sont guère jolies, les pauvres raccrocheuses du marché aux esclaves, qui se tient en plein vent dans toutes les grandes villes ; mais celles qui seraient laides à ce point, épouvanteraient même un assassin ivre…

« Oui, c’est curieux… c’est intéressant… approuvai-je poliment ; et je tendis la main pour prendre une autre feuille que je voyais dans l’enveloppe.

« Ah, ceci, me dit Wilmore, c’est autre chose ; c’est la propre photo de mon ami dans le rôle de l’Après-midi d’un Faune, de Debussy. Il l’a mimé dernièrement, avec orchestre, pour une soirée d’un cercle artistique… Is’nt he just splendid ? »

D’un geste brusque, il me tendait une grande photo faite au magnésium, avec des tons bruns et veloutés de sépia. Un jeune homme à peu près nu s’y redressait allongé sur une draperie, dans une attitude de chat qui s’étire. Le visage, étonnamment joli, baigné d’une lumière artificielle, découpait sur le fond noir un profil tout blanc, fin comme celui d’un archange à la Burne-Jones et poivré d’étrangeté