Page:Suzanne de Callias La malle au camphre 1919.djvu/155

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— Je comprends qu’ils sont venus ! les crapules… Mais ils n’ont pas logé dans la maison — Cardoc a eu même de la veine ; ils ont campé tout près de l’endroit où il faisait son étude, et ils ne l’ont pas embêté.

— Et votre sœur ?

— Ah ! ma sœur !… Ils l’ont fusillée, ma sœur.

— Non !…

— Écoutez ça, et vous me direz si les femmes ont besoin de porter l’uniforme pour mourir en soldats… Quand ma sœur a su que les Boches étaient dans le pays, elle a tout mis en sûreté dans la maison, et elle a continué à faire son petit ménage comme avant ; mais, par précaution, elle portait toujours un couteau caché sous son châle, quand elle sortait… Un matin, elle va chercher son pain à Creil, parce que le boulanger ne livrait plus. Arrivent une douzaine de Bavarois qui aperçoivent ma sœur sur la route… une jolie femme, ma sœur, vous savez ! bien mieux que moi… alors, voilà tous ces salauds qui se précipitent sur elle. Il y avait le gosse de l’instituteur qui voyait tout ça de loin ; il était plus mort que vif, cet enfant… Ma sœur s’adosse tranquillement à la fontaine, et le premier qui s’avance, paf ! elle lui enfonce son couteau dans le ventre ; un joli couteau espagnol à lame triangulaire… Après, le gosse a dit qu’elle s’était vite