Page:Suzanne de Callias La malle au camphre 1919.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
— 13 —

que je trouve un petit peu ridicule. Ce crâne personnage de la Bohème de Mürger s’assied sur l’extrême bord d’une chaise curule en acajou, pareille au reste de l’ameublement Louis-Philippe, et, son feutre serré contre le ventre, me fait à peu près les mêmes réflexions qui sont sorties des lèvres minces et souriantes de Mme Bol : j’ai eu du courage de venir seule de si loin ! — c’est très beau pour une jeune fille de travailler ainsi ! — etc. Il m’inspecte avec un vif intérêt tandis que je lui parle ; puis, son regard se détourne brusquement, les paupières battantes. Le voilà qui se lève comme un ressort, en apercevant mes livres et mes partitions de musique rangés sur une étagère :

« Vous avez le théâtre d’Ibsen au complet ? c’est chic ça ! moi, je n’ai pu en avoir que deux volumes à l’abonnement… Oui, mais ceux-là sont en norvégien ; ça ne marche pas pour moi… Oh ! voilà un tas de Wagner, la Tétralogie, Parsifal… à la bonne heure ! Croyez-vous qu’on chahute encore tout ça à Paris ? sommes-nous bêtes ! Moi, j’ai fait un raffut de tous les diables l’autre jour, avec des copains, au Cirque d’Hiver, quand on a sifflé l’ouverture de Tristan et Yseult ; il y a un type à qui j’ai cassé deux dents à la sortie…