Page:Suzanne de Callias La malle au camphre 1919.djvu/25

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— Mais pas du tout ; je n’ai que mon chapeau à mettre et mon manteau… Voilà ; vous m’accompagnerez bien jusqu’au quai ; il fait si beau.

— Sapristi, vous n’êtes pas longue à habiller ! Mais non, vraiment ; il vaut mieux que je ne vous cramponne pas… »

Je le persuade, non sans peine, qu’il ne me « cramponne pas » ; que je ne fais aucune cérémonie pour lui ; et nous voilà dehors. Dans la rue, il me supplie de lui laisser le haut du trottoir, en s’excusant de l’impolitesse. « J’ai l’air d’un demi-siphon à côté de vous », déclare-t-il. Évidemment, ça l’ennuie de ne pas conserver une supériorité de taille.

Nous traversons le Luxembourg, ce royal petit parc aux lignes nobles, si mélancolique en ce moment avec ses frondaisons couleur de souci, se découpant en masses rondes sur le ciel gouaché de gris perle ; et l’odeur amère des fauves chrysanthèmes autour du bassin, dont l’eau terne semble violacée d’encre…

Dans la rue de Tournon, nous croisons un étrange petit homme, vêtu d’une large touloupe de drap foncé rasant presque le bout de ses bottes, les cheveux bouffants sous une toque de loutre pelée. Je le regarde plus attentivement ; c’est une femme d’environ quarante-cinq ans. Mon compagnon, riant de mon éba-