Page:Suzanne de Callias La malle au camphre 1919.djvu/92

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voir le ballon captif des Tuileries.) Je regretterai les habitants de ce petit phalanstère, si braves gens, si bien faits pour s’entendre, quoique vivant absolument isolés les uns des autres.

Maintenant, j’ai bouclé ma valise et roulé mes plaids qui me tiendront chaud là-bas sur la Baltique, pendant la traversée de Kiel à Korsör. La nuit vient, mais je n’ai pas allumé ma lampe. Je reste assise devant ma fenêtre grande ouverte, aspirant l’air tiède qui m’apporte par petites cadences inégales l’âpre senteur des troënes et des syringas. Le merle habitué du tilleul d’en face siffle sa courte phrase agressive et têtue. Le fontainier du boulevard Montparnasse jette au loin son aigrelette ritournelle. Et je distingue confusément les notes plaintives de notre sempiternel orgue de Barbarie : « Faites-lui mes aveux… Portez mes vœux… » Vraiment, je ne croyais pas m’être attachée si bien à ce coin de terre que j’éprouve cette étrange et soudaine tristesse à le quitter ; pour peu de temps en somme, puisque je pense revenir après les vacances d’été.

Barral, venu ce matin pour me rapporter un livre, a paru sincèrement désemparé de me voir partir. C’est un bon garçon, malgré ses travers. Dans un instant, il viendra me chercher, m’emmènera dîner