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rêves d’automne.

LXII.

ENFANT MAUDIT.


Comme l’enfant maudit que, d’angoisse éperdue,
La fille-mère étrangle en un geste cruel,
Sanglotant, embrassant l’enfant que sa main tue :
— « La terre le refuse, il vivra dans le ciel » ;

Tel l’Amour nouveau-né qui n’aurait pas dû naître,
Levant ses doux yeux bleus et pleurant dans mon sein
Dont ma froide raison dit : — « Il doit disparaître »,
Crispant ses doigts pour étrangler l’enfant divin.

Mais l’âme de l’enfant, où se mêlent deux âmes,
Transparaît dans ses yeux pleins d’azur étonné.
Et la mère, en pleurant, ouvre ses mains infâmes :
— « Non, vis, enfant béni que l’amour m’a donné ! »

Telle, en voyant tes yeux emplis de doux reproche,
Mon Amour nouveau-né, j’ai frissonné d’émoi.
Je ne te puis tuer, Amour, je sens trop proche
L’extase du moment qui te fit naître en moi.