Page:Swift - Instructions aux domestiques.djvu/29

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paix, qui vous a gardé trois heures avant de vous interroger, et vous avez eu beaucoup de peine à vous en tirer ; un recors, par méprise, vous a arrêté comme débiteur et vous a tenu toute la soirée en prison chez lui ; on vous a dit que votre maître était allé à une taverne et qu’il lui était arrivé un malheur, et votre douleur a été si grande, que vous avez demandé Son Honneur à une centaine de tavernes entre Pall-Mall et Temple-Bar.

Prenez le parti de tous les marchands contre votre maître, et quand on vous envoie acheter quelque chose, ne marchandez jamais, mais payez généreusement tout ce qu’on demande. Ceci tourne grandement à l’honneur de votre maître, et peut vous mettre quelques shillings en poche ; et vous devez considérer que si votre maître a payé trop, il peut mieux supporter cette perte qu’un pauvre boutiquier.

Ne vous soumettez jamais à remuer un doigt pour aucune besogne autre que celle pour laquelle vous avez été particulièrement engagé. Par exemple, si le groom est ivre, ou absent, et que le butler reçoive l’ordre de fermer l’écurie, la réponse est prête : « Sauf le respect de Votre Honneur, je ne m’entends pas aux chevaux. » Si le coin de la tenture a besoin d’un seul clou pour la rattacher, et qu’on dise au valet de pied de le clouer, il peut répondre qu’il n’entend rien à cette sorte d’ouvrage, mais que Son Honneur peut faire venir le tapissier.

Les maîtres et maîtresses querellent communément