Page:Swift - Instructions aux domestiques.djvu/32

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escabeau, ni table de l’office ou de la cuisine n’ait plus de trois pieds, ce qui a été l’ancien et invariable usage dans toutes les maisons que j’ai jamais connues, et est fondé, dit-on, sur deux raisons : premièrement, pour montrer que les domestiques sont toujours dans un état branlant ; deuxièmement, il est bon, au point de vue de l’humilité, que les chaises et tables des domestiques aient un pied de moins que celles de leurs maîtres. Je reconnais qu’il a été fait une exception à cette règle en faveur de la cuisinière, à laquelle une vieille coutume accorde une bergère pour y dormir après dîner ; et cependant je l’ai rarement vue avec plus de trois pieds. Or, cette claudication épidémique des sièges de domestiques est imputée par les philosophes à deux causes qui, on l’a observé, font les plus grandes révolutions dans les États et Empires : je veux dire l’amour et la guerre. Un escabeau, une chaise ou une table est la première arme lorsqu’on se bat pour rire ou pour tout de bon ; et après une paix, les chaises, si elles ne sont pas très fortes, sont sujettes à souffrir dans la conduite d’une galante intrigue, la cuisinière étant ordinairement grosse et lourde, et le butler un peu pris de vin.

Je n’ai jamais pu souffrir de voir des servantes assez peu comme il faut pour aller par les rues avec leurs jupons retroussés ; c’est une bête d’excuse d’alléguer que leurs jupons se sont crottés, lorsqu’elles ont le remède si facile de descendre trois ou quatre fois un escalier propre une fois de retour à la maison.


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